l’honneur du duc de Bourgogne (et pareille appréhension convient à son caractère) que la crainte des maux déchaînés par la guerre l’eût emporté dans son esprit sur l’ardeur naturelle à la jeunesse. Mais c’est là simple conjecture, et rien ne permet une affirmation positive. En tout cas, il fut l’un des premiers auxquels le Roi fit part de sa résolution. Le 11 novembre, Louis XIV reçut l’ambassadeur d’Espagne. « Après l’audience, ajoute Dangeau, le Roi fit entrer Monseigneur le duc de Bourgogne dans son cabinet. Il est fort secret. On croit qu’il sait les résolutions que le Roi a prises[1]. » Trois jours après, il assistait à une conversation que le Roi eut encore dans son cabinet avec le duc d’Anjou. Rien ne transpira non plus de cette seconde conversation, ni dans les propos du duc de Bourgogne, ni dans ceux du duc d’Anjou lui-même, qui, lorsqu’on lui parlait du testament du roi d’Espagne, se bornait simplement à répondre qu’ « après l’honneur qu’il lui avait fait de le nommer son successeur, sa mémoire lui serait toujours bien précieuse[2]. » Ces deux princes, dont l’un avait dix-huit et l’autre dix-sept ans, savaient déjà qu’en ces temps-là, et peut-être encore de nos jours, le premier devoir de leur métier et la première qualité dans les affaires publiques, c’est la discrétion. Ils avaient été à bonne école, car nul prince ne fut jamais plus secret que Louis XIV.
La duchesse de Bourgogne fut moins réservée. Il ne paraît pas qu’elle assistât en personne à cette soirée où le Roi demanda en badinant aux princesses « quel parti elles prendraient dans les affaires d’Espagne. » Aussitôt la duchesse de Bourbon et la princesse de Conti de répondre « qu’elles y enverraient promptement Monseigneur le duc d’Anjou, et que, par le raisonnement qu’elles entendaient faire au public, c’était ce qui serait le plus approuvé. » A quoi le Roi, connaissant son monde, répondit à son tour : « Je sais que, quelque parti que je prenne, beaucoup de gens me condamneront[3]. »Mais, s’il faut en croire Louville, elle se serait exprimée plus librement encore que les princesses : « Il faudrait que le Roi fût bien sot, aurait-elle dit aux duchesses de Sully et du Lude, s’il refusait la couronne d’Espagne pour son petit-fils ; » et ce propos hardi ne faisait que traduire l’état d’esprit de tout le jeune monde de la Cour. Quant à Mme de Maintenon, entre les affirmations contraires de contemporains ayant toute raison d’être