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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/390

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Bien qu’il eût conservé sa charge de conseiller au parlement d’Aix, Peiresc avait été nommé en 1618 abbé commendataire de Notre-Dame de Guîtres en Guyenne. C’était une abbaye en ruine, dont l’église avait été dévastée par les huguenots en 1570 et le couvent abandonné. Au lieu de profiter des revenus attachés à ce titre, Peiresc, avec son désintéressement habituel, s’était appliqué à remettre en état la chapelle et à recruter de nouveau un personnel religieux pour le monastère. Mais à distance, l’administration de Guîtres était chose difficile et devait lui causer maint ennui[1]. Les lettres qu’il en recevait ne lui apportaient le plus souvent que des nouvelles faites pour l’attrister. « Je n’en vois jamais, disait-il, que ma santé n’en soit altérée, et il serait nécessaire pour ma santé que je n’en visse jamais. » A force de persévérance, il était cependant parvenu à rétablir l’ordre dans son abbaye. En 1623, en revenant de Paris, il était allé la visiter pour juger par lui-même de l’état des choses, et il n’avait pas manqué de voir dans les villes qui se trouvaient sur son paysage, à Bordeaux notamment, les monumens et les hommes qui pouvaient l’intéresser.

A son retour à Aix, Peiresc avait repris l’existence calme et active qui convenait à ses goûts. Il pouvait à son gré s’occuper de ses collections, de ses lectures, de ses recherches et de sa correspondance, toujours plus étendue. Bon et serviable, il était reconnaissant des moindres attentions qu’on avait pour lui, et, quoique sa fortune ne fût pas très considérable, grâce à sa bonne administration et à la modération de ses désirs, il trouvait toujours de l’argent pour venir en aide à des infortunes imméritées et pour encourager les savans, les hommes de lettres ou les artistes. Parlant de lui, Chapelain vante « ce célèbre vertueux qui fait honneur à la Provence et qui a des correspondances partout où il y a du mérite et de la bonté. » Personne n’a jamais eu le cœur plus dévoué, plus tendre pour ses amis. A la mort du chancelier du Vair, en 1621, sa douleur avait été très profonde, et dans une lettre qu’il écrivait à Rome à Barclay (18 août 1621), il exhalait toute la vivacité de ses regrets. « Ce n’est point, disait-il, une perte réparable, ni qui me touche moi seul. Tout ce pauvre État y a assez bonne part ; mais cela ne diminue rien de la mienne… C’est la vérité que je ne me puis résoudre, et j’ai bon besoin que Dieu

  1. Voyez à ce propos : Peiresc abbé de Guîtres, par A. de Lantenay ; in-8o, Bordeaux, 1888.