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crucifixion de San-Marco, à Florence, le plus douloureux et le plus beau des saints François, a représenté saint Louis de Toulouse, dans plusieurs tableaux qui sont à Florence et à Pérouse, et saint Louis roi, dans la phalange des bienheureux qui entourent le Couronnement de la Vierge, l’une des merveilles du Louvre. Seulement, par un retour bien naturel de l’esprit de son ordre, le saint artiste n’a pas rapproché le roi d’un groupe franciscain ; il a imaginé que saint Thomas, le grand docteur dominicain, montre du doigt la Vierge reine au monarque radieux.

L’élève de Fra Angelico, Benozzo Gozzoli, a été un jour appelé à composer tout un triomphe mystique de l’ordre franciscain dans une église de Montefalco, la fière petite cité ombrienne, couronnée de tours et ceinte d’oliviers. Le peintre joyeux n’a pas oublié, cela va sans dire, saint Louis de Toulouse, et il a revêtu le roi saint Louis de la robe et du cordon. Mais il y a plus : dans une série de médaillons, il a aligné les portraits imaginaires de ceux qui avaient fait la gloire de l’ordre franciscain, les tertiaires comme les moines, les cardinaux et les papes. Là, on voit défiler, annoncés par des inscriptions solennelles, Dante, Pétrarque et Giotto. Et, à côté des trois grands artistes qui, chacun à sa manière, avaient exprimé magnifiquement l’esprit de saint François, Benozzo a placé le roi qui fut l’ami de Pétrarque et de Giotto, Rex Robertus. Il tient un livre et est vêtu d’une tunique de moine avec le capuchon. Le visage est barbu et ne rappelle en rien le masque anguleux de la statue mortuaire que l’on peut voir à Santa-Chiara. En Toscane aussi, Robert, que le peintre napolitain du XVe siècle peignait sous les traits d’un roi mage, était entré dans la légende, et il revivait dans la tradition franciscaine près des saints de sa famille.

Les frères mineurs portèrent le culte des saints français hors de la Toscane, qui était devenue pour ceux-ci une patrie d’adoption, et jusque dans l’Italie du Nord. Pour nous borner aux chefs-d’œuvre, on connaît le roi saint Louis de l’Académie de Venise, que Carpaccio a revêtu d’un si étonnant manteau de velours. A Vérone, on peut voir un grand tableau somptueux où un peintre de la ville, Paolo Cavazzola, a groupé autour de la Vierge tous les saints de la maison d’Anjou : saint Louis, roi de France, saint Louis de Toulouse et saint Elzéar de Sabram

En vérité, on ne doit citer qu’à titre d’exceptions très instructives des œuvres comme les fresques de San-Francesco à Montefalco