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Sous prétexte d’organiser le droit d’association, il interdit, supprime et spolie les congrégations religieuses, ce qui est une tâche d’un caractère beaucoup moins relevé, et dont l’accomplissement exige un moindre effort de génie. En réalité, son projet de loi n’est autre chose qu’un gage donné à ses alliés radicaux et socialistes, dont le concours lui est indispensable pour vivre, et, s’il était voté, la persécution religieuse serait bientôt déchaînée sur tout le territoire.

L’exemple donné par le gouvernement, la tentative faite par lui pour aboutir à la dispersion des congrégations religieuses et à la confiscation au moins partielle de leurs biens, devaient naturellement provoquer des émulations individuelles. M. Henri Brisson, qui s’est toujours occupé de la question, mais non pas toujours dans le même esprit, a fait aussi une proposition de loi. Il en a même fait deux et, avant l’ouverture du débat, il en fera peut-être une troisième, car sa pensée parait encore un peu hésitante, sinon sur le but, au moins sur les meilleurs moyens de l’atteindre. Combien nous sommes loin du jour où, en 1874, on discutait la liberté de l’enseignement supérieur, et où il s’écriait avec force, en repoussant les suggestions de. l’Extrême Gauche : « Ma première observation, c’est que, ni de ma part, ni, j’en suis convaincu, de la part d’aucun des membres qui siègent sur les mêmes bancs que moi, ne s’élèvera la prétention de faire revivre les lois répressives de la liberté des associations religieuses. Nous nous présentons ici pour réclamer la liberté entre toutes les associations, mais l’égalité dans la liberté ! » Ah ! oui, ces temps sont loin derrière nous. Les amis de M. Brisson applaudissaient alors son langage ; ils l’applaudissent encore aujourd’hui ; mais son langage a bien changé.

On attaque les congrégations religieuses, on veut les détruire : pourquoi ? Four des motifs très divers à coup sûr, et dont quelques-uns ont dans certains esprits un caractère permanent. Mais il y a aussi un motif de circonstance : c’est qu’on veut atteindre, à travers les congrégations religieuses, la liberté de l’enseignement dont quelques-unes ont profité avec succès. Le projet de loi sur le stage scolaire, tel qu’il est sorti des mains de M. le ministre de l’Instruction publique, est évidemment mort-né. La commission de la Chambre des députés, que préside M. Ri bot, lui a porté un coup dont il ne se relèvera pas, et M. Aynard, rapporteur de cette même commission, dans un travail aussi remarquable par l’élévation des idées que par la vigueur du style, a étendu sur lui la pierre qu’on met ordinairement sur les tombeaux. Les adversaires de la liberté de l’enseignement ne se font plus illusion sur l’efficacité de la machine de guerre qu’ils avaient imaginée,