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de toutes façons à son jeune rival. En ce cas, ce n’est pas le tempérament de l’écrivain qui exerce sur nous son action, mais l’étincelle de vie qui, grâce aux procédés nouveaux, rayonne parmi tant de sottises. »

Voilà un jugement bien sévère pour le talent de Hauptmann, et bien flatteur pour les découvertes techniques de Holz. M. Mehring va plus loin et n’hésite pas à comparer les talens eux-mêmes en ces termes :

« Une tout autre personnalité que Hauptmann, un gaillard (ein ganzer Kerl) dans la littérature comme dans la vie, c’est Arno Holz... Son Livre du temps et ses Voies nouvelles sont à proprement parler les productions classiques du naturalisme allemand... Dans la poésie lyrique ; il n’a qu’un égal, Detlev de Liliencron... Certes Holz n’est pas un habile artisan de compromissions... L’infortuné considère le naturalisme comme une « pensée féconde, » et s’y attache de toutes ses forces, au lieu de jouer avec ses procédés, afin de demeurer le favori d’une simple clique. Si un poète a rarement débuté de façon aussi pauvre et aussi piteuse que Hauptmann avec son Promethidenloos, aucun peut-être ne s’est révélé avec autant d’éclat et de gloire que Holz en son Livre du temps. Caractère énergique et ferme, luttant avec tout le feu d’un artiste-né en faveur de son idéal, il ne possède pas, en revanche, l’habileté froide et pratique de Hauptmann. » M. Mehring se laisse évidemment entraîner par sa sympathie : il convient déjuger les artistes moins sur leurs intentions que sur les résultats obtenus par eux.

Qui est, cependant, cet Arno Holz, dont les uns font l’initiateur, les autres le rival, encore debout, du dieu de la scène allemande ? Traçons une rapide esquisse de sa carrière littéraire, avant de revenir à son action sur Hauptmann, et aux sources françaises de cette influence.

Après plusieurs essais sans importance, il débuta réellement en 1886 par un volume de vers, intitulés Les Chants d’un moderne, qu’il a réédités en 1892, avec quelques additions, sous le titre de Livre du temps. Et, en vérité, ce n’est pas trop de dire que ce coup d’essai fut un coup de maître. Dès les premières lignes de l’épître dédicatoire, adressée à un ami, on se sent séduit, et 600 pages de vers lyriques ne laissent pas s’effacer l’impression

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  1. Aesthetische Streifzuege, Neue Zeit, t. XVII, p. 9-20.