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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/853

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et il étudie sans relâche. Bientôt, ses efforts constans lui apportent la satisfaction que donne le sentiment du devoir accompli, et, par surcroît, la notoriété et le succès. « La misère suspend aujourd’hui son portrait à la muraille, et le pare de fleurs... Si vous venez à prononcer son nom, le peuple sent battre son cœur et répond dévotement : amen ! » La race des vaillans peine sur ses écrits. Sa devise est : La liberté et le droit. Le fils du savetier « combat comme un paladin, et tous regardent vers lui comme vers un nouveau Messie. » Bien que ce portrait magistral offre quelques traits français, et fasse songer aux « vieilles barbes » de 1848, ceux des chefs du parti socialiste allemand qui ne sont pas sortis de la bourgeoisie ont pu se reconnaître avec orgueil dans un représentant idéal de la vocation qu’ils s’attribuent. Ce souvenir explique peut-être en partie la sympathie tenace qu’ils gardent au fond du cœur à celui qui l’a dépeint jadis.

Bien qu’il affecte aujourd’hui de dédaigner cette œuvre initiale, fruit tardif de la technique vieillie des Geibel et des Herwegh, Holz demeure cependant persuadé qu’il a créé dans le Livre du temps la « poésie lyrique de la grande ville » et presque la poésie sociale. Il est possible en effet qu’en Allemagne, ses beaux vers aient paru ouvrir en ce sens une voie nouvelle : ils n’auraient pu donner une semblable impression à un lecteur français, déjà familier de Verlaine, ou de MM. François Coppée et Eugène Manuel[1].

Quoi qu’il en soit, l’auteur des Chants d’un moderne fut peu remarqué et peu encouragé par la critique. Il garda quelque temps le silence ; nous verrons tout à l’heure comment furent employées ces années de méditation. A la fin de 1888, il résolut pourtant de rentrer en ligne dans la bataille des idées, et se retira, pour travailler en paix, dans un faubourg de Berlin, en compagnie de son ami Johannès Schlaf. Il a décrit avec émotion, dans une publication postérieure, ce « taudis » de Niederschoenhausen, d’où sortit, nous l’avons vu, la première inspirai ion dramatique de Gerhart Hauptmann, et aussi un volume de nouvelles, résultat de la collaboration de Holz et de Schlaf.

  1. Dès 1855, dans un manifeste placé en tête de ses Chants d’un moderne (le titre même de Holz), Maxime du Camp prétendait faire passer en ses vers la poésie du travail industriel, et Gustave Planche lui conseillait ironiquement, dans la Revue des Deux Mondes, d’immortaliser les fabriques de Lyon ou de Mulhouse.