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instituée par la loi. C’était donner en même temps un puissant encouragement à l’agriculture, la pousser à rechercher les meilleures espèces de betterave au point de vue saccharin, et lui faire obtenir des prix de plus en plus élevés pour cette plante, que les fabriques paient d’autant plus cher qu’elle rend une plus forte proportion de sucre. Aussi, bien que la valeur de celui-ci ait baissé de près de moitié depuis quinze ans, l’industrie sucrière prospère-t-elle avec un cours de 30 francs le quintal, tandis qu’elle perdait de l’argent, avant la loi de 1884, au cours de 60 francs. La betterave, qui rendait alors de 5 à 6 pour 100 de sucre, en fournit aujourd’hui de 9 à 12 pour 100.

Cette législation a été complétée, en 1897, par l’établissement des primes à l’exportation, également imitées de l’Allemagne, et dont le principe, contestable en lui-même, a l’inconvénient d’amener des conflits avec les puissances étrangères, dont certaines vont jusqu’à frapper nos sucres bruts ou raffinés, à leur arrivée chez elles, d’une surtaxe équivalente à ces primes de sortie. C’est ici que la question devient internationale : elle se pose entre les pays qui, d’une part, comme l’Angleterre, ne produisent pas de sucre, ou, comme les États-Unis, n’en produisent que des quantités très inférieures à leur consommation, et ceux qui, d’autre part, France, Allemagne, Belgique, Autriche, en produisent beaucoup plus et sont dès lors amenés à exporter tous les ans des centaines de milliers de tonnes de brut ou de raffiné. Il semble, à première vue, que, si ces régions de l’Europe centrale sont placées dans des conditions plus favorables que d’autres pour cultiver la betterave, elles devraient arriver à fabriquer le sucre meilleur marché qu’ailleurs et à le vendre sur les places étrangères aussi bien qu’à l’intérieur de leurs frontières à un prix rémunérateur pour l’agriculture et pour l’industrie. Mais la législation fiscale en ces divers pays, et en France surtout, a surchargé le produit fabriqué d’impôts si lourds, que la consommation ne s’en est pas développée dans la mesure où elle l’aurait fait en l’absence de ces impôts. Les fabricans, cependant, ont cherché leur bénéfice, comme la plupart des industriels, dans l’accroissement de la production et ont ainsi créé un excédent annuel de plus en plus considérable de cette dernière sur la consommation intérieure. Il leur a donc fallu des débouchés au dehors, en Angleterre avant tout, où il s’importe de 1 500 à 1 600 mille tonnes de sucre par an, c’est-à-dire deux fois la production de la France,