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liberté sociale existante, n’est plus qu’un privilège dangereux, une machine de bouleversement et d’exploitation au service des politiciens d’en haut et d’en bas, qui peuvent devenir députés ou créer des journaux. « La plus grande extension de la liberté politique, a dit Malouet, un des plus solides Constituans, est infiniment moins précieuse et moins utile aux hommes que la sûreté et la libre disposition de leurs personnes et de leurs propriétés[1]

Cette prééminence à accorder à la liberté sociale, nécessaire sous tous les régimes, lest particulièrement dans une démocratie qui, tendant au collectivisme, accroît sans cesse la force de l’Etat et amoindrit les franchises de l’individu.

Revendiquer la liberté sociale sous toutes ses formes et surtout celles où le peuple est particulièrement intéressé, liberté d’association, de coalition, etc., fut la tâche la plus urgente qui me parut impliquée par cette formule : établir un gouvernement de liberté.

Dans la liberté politique, il n’y avait certainement pas tout à créer comme dans la liberté sociale, mais beaucoup à rectifier et innover.

Le système parlementaire, tel qu’il a été pratiqué chez nous de 1815 à 1848, n’a été qu’une fausse apparence de liberté politique. En Angleterre, il a des inconvéniens sérieux. Le plus grave moralement est de soumettre majorité et minorité à une discipline de parti, indispensable à son fonctionnement, qui exige un sacrifice constant de raison et de conscience. Il n’est permis d’avoir d’autre raison ni d’autre conscience que celles de son parti, et un parti blâme souvent ce qui est bien et approuve ce qui est mal. Un membre du Parlement critiquait devant moi une mesure proposée par le premier ministre Gladstone : « Vous la repousserez ? lui dis-je. — Pas du tout ; ce que je vous ai dit, c’est mon opinion personnelle ; comme membre du parti, je voterai avec M. Gladstone. » L’approbation et l’opposition systématiques sont une des nécessités de ce gouvernement de parti.

Au point de vue du bien public, ce régime a encore l’inconvénient beaucoup plus grave d’exposer à tout instant le gouvernement à tomber dans la main des assemblées. Or, les assemblées n’ont ni droit, ni mission, ni capacité pour gouverner, car elles

  1. 8 et 29 août 1791.