infinis, « à pas de tortue, serpentant comme le Méandre, » disait Catinat. Lui-même demeurait à Turin, et n’avait point hâte de rejoindre l’armée dont il était cependant le généralissime. À sa cour, il se tenait des propos singuliers, que rapportait Phelypeaux. « On met en doute son départ ; d’autres blasment qu’il ait traité avec le Roy plutôt qu’avec l’Empereur, et ces propos, dans la cour d’un prince craint et obéi, marquent le peu d’attention à les faire cesser. » « M. le duc de Savoye, ajoutait Phelypeaux, se plaint qu’il me trouve sec, austère et pressant. Je continuerai à remplir mon devoir, sans me mettre en peine que M. le duc de Savoye en soit informé par mes lettres, et s’il a l’air de les intercepter et d’en avoir connaissance[1]. »
Les soupçons de Phelypeaux n’étaient pas sans fondement. Il existe aux Archives de Turin un dossier dont la rubrique est ainsi conçue : Précis des lettres de M. Phelypeaux qu’on avait interceptées en 1701 et 1702 par le moyen de son secrétaire qu’on avait gagné[2]. Dans ce dossier, se trouve en effet le résumé ou la copie de presque toutes les lettres de Phelypeaux dont les originaux sont à Paris. C’était là, il faut en convenir, un procédé assez singulier de la part d’un allié. Il se sentait, avec raison, suspect, et la méfiance dont il devait trouver la trace dans les dépêches interceptées par lui ne pouvait, d’autre part, que le disposer davantage encore à la trahison.
L’ennemi sut profiter de ces lenteurs. Par une marche habile, le prince Eugène se porta sur l’Adige, et, Catinat n’étant pas sur les lieux, attaqua brusquement un de ses lieutenans, Saint-Frémond, à Carpi (5 juillet). Bien que Tessé, à la tête de ses dragons, se fût porté vaillamment au secours de son camarade, les Français, accablés par un ennemi supérieur en nombre, durent se replier et le passage de l’Adige fut forcé. « La paternité, écrivait Tessé à Chamillart, exige de moi quelque satisfaction d’avoir vu mon fils se présenter de bonne grâce et se bien mesler avec les ennemis, pour la première fois qu’il les a vus. » Mais, tout en le chargeant d’assurer le Roi « que ses troupes ont bien montré les dents à ses ennemis[3], » il n’essayait pas de dissimuler l’échec, dont, au reste, il n’était pas responsable.
Cet échec des troupes à la tête desquelles il aurait déjà dû se