trouver détermina le duc de Savoie à sortir de son inaction. Il rejoignit l’armée au camp de Goïto. Tessé, qui n’avait garde, même au milieu de ses occupations militaires, de se laisser oublier à Versailles et qui chargeait presque tous les courriers d’une lettre pour celle qu’il appelait « son adorable maîtresse, » rendait compte en ces termes à la duchesse de Bourgogne de l’arrivée de son père : « Il était en chaise, vêtu d’un camelot gris blanc, avec des boutons de deuil, une épée de même, ses cheveux noués par derrière, comme vous les lui avez vus souvent, et son chapeau de bon air, comme vous le portez. Madame, quand vous allez à la chasse, du reste fort poudreux, fort civil, très affable et ne perdant rien de sa taille, car de votre maison royale vous n’ignorez pas, Madame, qu’on se tient fort droit[1]. » Phelypeaux, qui, joignant les fonctions de lieutenant général à celles d’ambassadeur, accompagnait Victor-Amédée, rend compte, de son côté, de la bonne impression produite par l’arrivée du généralissime. « Ses manières honnestes, écrivait-il, ont beaucoup plu jusqu’à présent aux officiers de l’armée[2]. » Mais sa présence ne devait faire qu’ajouter aux incertitudes du commandement.
Jusque-là, l’armée avait eu deux têtes, Catinat et Vaudémont. A en croire Tessé, ils s’entendaient à merveille : « Pour nous autres galopins du second ordre, ajoutait-il, nous sommes pareillement très unis[3]. » Mais il n’est pas certain que l’entente entre les deux chefs fût aussi cordiale que l’affirmait Tessé, fort ami de Vaudémont. En tout cas, l’arrivée du généralissime allait tout gâter. Jusqu’à son entrée en campagne, on n’avait rien fait. A partir de son arrivée, on ne fit que des fautes. Il est incontestable qu’au début de cette campagne, Catinat ne fut pas à la hauteur de lui-même. Etait-il, comme on l’a dit, encore accablé sous le coup du chagrin que lui avait causé la mort d’un frère tendrement aimé ? Le fardeau était-il plus lourd, pour reprendre une expression de Tessé, que son humanité ne pouvait porter ? Etait-il paralysé par le peu de confiance que lui inspiraient les deux autres commandans en chef ? Quoi qu’il en soit, il est certain qu’il ne sut prévenir aucune des habiles manœuvres du prince Eugène, ni s’y opposer de vive force. Il le laissa passer successivement le Mincio, l’Oglio, l’Adda, par une marche de flanc