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Louis XIV avait cru sans doute qu’abattu par ce coup, Victor-Amédée se rendrait à merci. Il n’en fut rien. L’habile prince profita, pour continuer ses négociations, de l’embarras où se trouvait Vendôme. Celui-ci avait reçu ordre de demander au duc de Savoie deux places de sûreté, Verceil et Goni, et la réduction de ses troupes au chiffre que portait le traité d’alliance de 1697. En même temps, le Roi lui faisait parvenir, par le même Vendôme, cette assurance « qu’il vouloit cependant ses avantages et qu’il contribueroit à les lui procurer quand les occasions s’en présenteroient[1]. » Mais il aurait fallu appuyer ce langage par des mesures efficaces en marchant sur le Piémont. Or, Vendôme, qui était à Pavie et qui aurait été obligé de laisser une partie de ses forces en arrière pour contenir les Impériaux, trouvait la guerre en Piémont dangereuse, et, après s’être avancé jusqu’à la frontière, il demandait du renfort. Victor-Amédée sut mettre à profit ces

  1. Dépôt de la Guerre, Italie, 1692. — Le Roi à Vendôme, 5 octobre 1703. — Le marquis de Quincy, dans son Histoire militaire du règne de Louis le Grand, t. IV, p. 175, Sainte-Hilaire dans ses Mémoires, t. II, p. 335, le chevalier de Quincy, dans ses Mémoires actuellement en cours de publication, t. I, p. 316, reproduisent, mais sans indication d’origine, le texte d’une lettre hautaine de Louis XIV à Victor-Amédée qu’au moment d’envahir le Piémont, Vendôme aurait fait parvenir à ce prince par un officier accompagné d’un trompette. Ils font mention également d’une fière réponse de Victor-Amédée. Cette lettre a été insérée par Grimoard au t. VI des Œuvres de Louis XIV, p. 133 et au t. II, p. 4, des Mémoires de Tessé. La Hode, Histoire de Louis le Grand, t. V, p. 316 ; Botta, Histoire d’Italie, L. 33, p. 286 ; et Sismondi, Histoire des Français, t. XXVI, p. 315, l’ont également citée. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur, puisque la religion, l’honneur, l’intérêt, les alliances et votre propre signature ne sont rien entre nous, j’envoie mon cousin le duc de Vendôme à la tête de mes armées pour vous expliquer mes intentions. Il ne vous donnera que vingt-quatre heures pour vous déterminer. » Victor-Amédée aurait répondu verbalement à l’officier : « Les menaces ne m’intimident point. Le traitement indigne qu’on fait à mes troupes et la conduite pleine de hauteur et de mépris qu’on a tenue à mon égard, m’ont porté à songer à ma sûreté. Je n’ai point d’autres ouvertures à faire, ni d’autres propositions à écouter. » Elle ne se trouve en minute ni aux Archives des affaires étrangères, ni au Dépôt de la Guerre. Elle n’est pas davantage en original à Turin où toutes les pièces relatives à cet épisode ont été soigneusement conservées. Il n’en est fait mention dans aucune des lettres échangées entre Louis XIV et Vendôme, qui n’aurait pas manqué de rendre compte au Roi de la réponse du duc de Savoie. Nous devons dire cependant qu’elle se trouve in extenso, ainsi que la réponse de Victor-Amédée, dans la copie manuscrite de la correspondance du duc de Vendôme qui se trouve à la Bibliothèque nationale. (Manuscrits français, n° 14 177, fol. 347, verso.