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leur prouva en envoyant à Port-Natal des frégates chargées de troupes. Les Boers se défendirent héroïquement, mais les Anglais, qui avaient des forces très supérieures, et qui n’avaient point dédaigné le concours des Cafres, parvinrent à les déloger leur position. Les Boers durent renoncer à regret au pays pour conquête duquel ils avaient versé tant de sang, et le Natal fut proclamé territoire britannique en mai 1843.

N’ayant pu s’établir sur les bords de la mer, comme l’avait rêvé leur chef Pieter Retief, les Voortrekkers furent réduits à reprendre le chemin des montagnes et à fonder, de l’autre côté du Drakensberg, les deux républiques de l’Orange et du Transvaal, où ils purent jouir enfin de la liberté, jusqu’au jour où l’expansion coloniale de l’empire britannique devait les remettre en face de leurs éternels antagonistes. Pour leur ravir leur indépendance, les Anglais leur font grief de ce que l’existence de deux républiques pastorales est inconciliable avec les progrès de l’humanité et les besoins de la civilisation moderne. Mais ils oublient que ce sont eux qui, en privant les Boers de tout accès vers la mer, et en les enfermant dans une enclave, les ont contraints à la vie pastorale. Après leur avoir confisqué leur établissement du Cap de Bonne-Espérance, fondé par le Hollandais van Riebeck, ils leur confisquèrent le Natal, fondé par le Hollandais Retief, et ils veulent aujourd’hui leur confisquer le Transvaal, fondé par le Hollandais Pretorius. De l’aveu d’un historien anglais[1], l’énumération de cette série d’abus de la force n’a rien qui puisse exalter La fierté d’une grande nation. « The story is not a pleasant one for an Englishman to read or record. » Le même écrivain reconnaît impartialement que, pour susciter chez les hommes qui émigrèrent au Natal une si profonde animosité contre la domination britannique, cette domination dut être insupportable. « Qu’une telle animosité, dit-il, ait pu naître et prendre racine, c’est un fait qui ne plaide guère en faveur du tact et de la sagesse des hommes d’État chargés des affaires de l’Afrique du Sud. »


JULES LECLERCQ.

  1. C. P. Lucas, The History of South Africa, p. 204. Londres, 1900.