ture a, elle aussi, un « en haut » et un « en bas, » et que son vrai, son unique point de contact avec la terre, sa base et sa raison d’être, c’est l’observation personnelle et directe.
Stein était philosophe et le resta, et il ne faudrait pas attacher
beaucoup plus d’importance à ces mots : cum scientiis naturalibus,
qu’à ces autres : cum theologiâ. L’essentiel, ce ne sont pas tant
les connaissances scientifiques qu’il put acquérir, et dont son
esprit se leurra bien plus qu’il ne s’en enrichit ; l’essentiel, c’est,
ici, l’instinct qui le pousse à rester en contact avec la vie qui
palpite partout autour de lui ; et cet instinct s’affirme nettement
dans un incident bien paradoxal. Stein, l’idéaliste Stein, le poète
qui, dans son Journal, a entrecoupé de sonnets sur le Pourquoi de
la Vie ses remarques sur l’optique de Helmholtz et sur la théorie
de la chaleur de Tyndall, Stein devint le disciple, et le disciple
ardent et convaincu, de l’auteur d’un nouveau système de
philosophie réaliste et matérialiste, le disciple d’Eugène Dühring !
Peut-être ne connaît-on pas en France, autant qu’il le mérite, Diihring, le philosophe aveugle. C’est, cependant, un homme très intéressant, auquel il n’a manqué qu’une certaine largeur d’âme pour être une individualité de tout premier ordre. Il est, à la vérité, de la classe des misanthropes ; il croit à l’humanité, il l’aime, mais ne manque pas une occasion de dire, de chaque homme en particulier, tout le mal possible. La secte de ses adhérens, qui commence à pulluler dans les universités allemandes, est bien la plus désagréable qui se puisse concevoir. Question de forme, on peut l’admettre, plus que de fond ; d’ailleurs, on pardonne volontiers au malheureux aveugle ce qui, chez ses disciples, n’est qu’ignorance ou manière. Mais sans tenter d’analyser ici une figure aussi complexe, je ne puis qu’essayer, en quelques mots, de caractériser sa philosophie. Dühring est mathématicien ; son domaine spécial est la mécanique rationnelle ; son ouvrage le plus remarquable, une Histoire des Principes généraux de la Mécanique. De ce point central, unique, la conception mécanique des choses, la remarquable intelligence de Dühring rayonne dans tous les sens : mathématique, chimie, philosophie, sociologie, économie politique, critique littéraire, questions de races (antisémitisme), religion, rien ne lui échappe, et l’on ne saurait nier que l’unité du point de vue ne donne à cet ensemble une certaine grandeur. C’est l’homme et l’univers réfléchis dans un cerveau d’une forte origi-