rattachent Winckelmann, l’esthéticien allemand par excellence, à la pensée française. Mais les limites de cette étude ne me permettent pas de m’y étendre ici ; qu’il me suffise de dire que ce livre n’eut pas, au premier moment, tout le succès que Stein en avait espéré. On fit à l’auteur des complimens et des promesses ; on ne le nomma point professeur.
Ce fut une déception cruelle. Après une visite à un savant de grande influence, qui l’avait comblé d’encens sans vouloir rien faire pour lui, Stein écrit à une amie : « Je crois entendre d’ici les éloges académiques qu’on me décernera, lorsque j’aurai succombé dans la lutte. » Un mois plus tard, il était mort.
Tous ses amis furent consternés par cette fin soudaine. J’ai dit que Stein avait la stature d’un géant ; on ne lui connaissait pas de maladie, et, lorsqu’il se plaignait, lorsqu’il écrivait : « Berlin m’empoisonne, » on n’y voyait que l’irritation que devaient lui causer ses déboires. Et cependant, aujourd’hui, en y réfléchissant, on est bien forcé de reconnaître que Stein est mort par la simple raison qu’il était impossible que, tel qu’il était, il continuât à vivre. Jamais, ni dans son Journal, ni dans ses lettres, nous ne le voyons descendre au niveau du commun des hommes ; partout, toujours, dans chacune des minutes dont se composa sa courte existence, il plane dans les régions de l’idéal. Pur rêveur, il eût pu vivre peut-être, mais son rêve était précisément d’agir sur ses semblables ; né d’une race de soldats, lui, le savant et le poète, il reste quand même homme de guerre. En mai 1887, au retour d’une de ses conférences, il écrit : « J’avais aujourd’hui à parler de choses sublimes ; en n’apercevant autour de moi que des visages durs et insensibles, j’ai senti cette même angoisse qui m’oppresse souvent, j’ai senti que cela ne pouvait plus aller. Ce doit être quelque maladie qui me ronge. Et cependant, cette maladie n’est autre que le non-moi. » Il avait annoncé à l’Université des conférences sur Richard Wagner ; l’autorité lui fit savoir que, s’il osait mettre ce dessein à exécution, sa carrière serait brisée. « Personne qui me comprenne, écrit-il dans son Journal, ni près, ni loin… Pas de femme qui sache m’aimer ! Et je dois vivre, vivre consumé de flammes intérieures, de flammes éternelles ! »
Une légère indisposition, à laquelle le médecin lui-même n’attachait aucune importance, pril soudain, le 15 juin 1887. un caractère très grave. Stein était seul, sans un ami auprès de lui ;