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Alesso Baldovinetti et Andréa del Castagno. Ce dernier avait grande envie de s’approprier les méthodes flamandes. Il flatta habilement Domenico, sut gagner son amitié, et finalement se fit expliquer le mystère de la technique nouvelle. L’ambition poussa Andréa del Castagno encore plus loin. Il voulut être seul à posséder le fameux secret. Par une belle nuit, son ami Domenico parcourait Florence en fredonnant une joyeuse canzonnetta qu’il accompagnait de la guitare. Au détour d’une rue, Domenico fut brusquement assailli et frappé de terribles coups de canne plombée. Le lendemain, il était mort. Andréa del Castagno le pleura beaucoup, lui survécut pendant de longues années, — mais à sa dernière heure, pressé de remords, confessa qu’il était l’auteur de ce crime abominable. Il est fort probable qu’un autre mobile poussa Andréa à tuer Domenico. Mais si les peintres italiens ont attribué ce meurtre au désir qu’avait Andréa del Castagno de garder pour lui seul le secret des Flamands, cela prouve en tout cas que l’introduction de la technique nouvelle dans leur pays les avait fortement émus.

Une opinion généralement répandue veut qu’Antonello de Messine, contemporain et élève sans doute de Roger van der Weyden, soit le premier peintre italien qui ait su s’approprier la technique des Flamands. Néanmoins tout porte à croire que la peinture à l’huile était déjà importée à Naples, et que vers le milieu du XVe siècle, le procédé nouveau se répandit dans l’Italie entière par les soins des maîtres brugeois en personne. Car les gothiques flamands, j’ai plaisir à le répéter, ont voyagé, séjourné en Italie, aussi bien que les romanisans du XVIe siècle et que les maîtres anversois du XVIIe. Roger Van der Weyden passa les Alpes en 1449. En 1450, il était à Rome. Justus de Gand vécut longtemps à Urbin où il décora des palais, et prépara la venue d’un maître tel que Lucas Signorelli. Les documens manquent pour attester le voyage en Italie de Memling, de Hugo Van der Goes, de G. David. Mais il est presque certain qu’ils ont imité l’exemple de Roger et de Justus et nous en avons trouvé nous-même une preuve après tout plus évidente que les témoignages d’archives. Il existe au musée de Bruxelles un adorable petit triptyque représentant la Crucifixion et attribué à Memling. L’auteur a peint au pied de la Croix les familles des Sforza de Milan. Ils sont trois personnages agenouillés pieusement sur le Golgotha : François Sforza, Blanche Visconti sa femme, et Galéas Marie son