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entre les mains des alliés. Sur la frontière russe, ce sont encore les Chinois qui ont été les agresseurs. Ici et là, ils ont entendu faire acte militaire et prendre l’offensive. A Takou, les vaisseaux étrangers leur paraissaient être une avant-garde incommode et menaçante : ils les ont attaqués. A Tientsin, les troupes alliées leur produisaient la même impression : ils ont cru habile de fondre sur elles avant l’arrivée des renforts qui devaient si formidablement augmenter leur force. Sur les deux points, ils se sont trompés dans leurs calculs, parce qu’ils se sont trouvés les plus faibles ; mais leurs calculs en eux-mêmes étaient judicieux et s’inspiraient des bons principes de l’art de la guerre. Sur la frontière russe, ils ont pris également l’initiative : pourquoi ? Parce qu’ils n’ignoraient pas que des concentrations importantes, bien que trop lentes à notre gré, se formaient de ce côté, et qu’ils ont voulu les empêcher ou les troubler. C’était là un acte de guerre qui aurait été habile s’il avait été appuyé de forces suffisantes : mais nous espérons bien que la supériorité moscovite ne tardera pas à se manifester avec éclat. Quoi qu’il en soit, ce bref récit des événemens montre que les Chinois, avec une présomption toute nouvelle chez eux, ont partout attaqué. Ils l’ont fait avec vigueur et précision ; néanmoins ils n’en ont pas moins été battus et ils le seront encore. C’est après l’avoir été à Takou et à Tientsin qu’ils ont commencé à comprendre leur imprudence et qu’ils ont changé de méthode. Ils ont alors parlé de conciliation et de paix. Ils ont cherché des médiateurs. Ils ont esquissé les plaidoyers, qu’ils se proposent évidemment de développer plus tard. Il y a, en tout cela, beaucoup plus de réflexion que de spontanéité ; et il n’y a rien surtout qui soit de nature à dissiper notre défiance. Nous sommes convaincus que les Chinois ne se repentent que de n’avoir pas réussi et qu’ils ne céderont devant nos exigences, quelque légitimes qu’elles puissent être, que dans la mesure étroite où ils seront contraints de le faire.

Et cela doit déterminer notre conduite à leur égard. En présence d’une diplomatie aussi subtile et dont nous connaissons aujourd’hui la duplicité raffinée, nous serions inexcusables de nous laisser duper. C’est ce qui arriverait à coup sûr si nous ne continuions pas d’être jusqu’au bout les plus forts, et d’en donner aux Chinois une conviction tellement évidente qu’ils ne puissent pas s’y tromper. Bien loin de ralentir l’envoi de nos renforts, il faut au contraire l’accélérer. On commence d’ailleurs, — et nous ne parlons pas seulement de la France, — à s’apercevoir que l’affaire est sérieuse, et nous sommes déjà assez loin, tant les uns que les autres, des quelques milliers