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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/792

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affaires. — « Je ne crois pas, dit Retz, que la reine Elisabeth d’Angleterre ait eu plus de capacité pour conduire un Etat. » Cependant, elle ne débuta point par la politique ; il lui semblait avoir un meilleur emploi à faire de sa jeunesse. Elle la donna au plaisir, et réussit à étonner la cour de France, qui en avait tant vu, par le nombre et le piquant de ses aventures. C’était encore une de ces belles dames qui couraient les grandes routes déguisées en cavaliers ou en moines, et que personne ne s’étonnait de rencontrer n’importe où, dans une situation singulière pour une princesse. Il n’y avait pas de bornes à leur fantaisie. Anne de Gonzague se donna pendant cinq ans pour Mme de Guise, femme d’Henri de Guise, archevêque de Reims, le même qui épousa ensuite Mme de Bossut[1]. Un beau jour, elle reprit son nom de fille, « comme si de rien n’était, » rapporte la Grande Mademoiselle, revint tranquillement à la cour et eut le talent de se faire épouser, entre deux « galanteries », par le prince Palatin[2], le plus jaloux des hommes. — « Tout cédait, dit Bossuet[3], au charme secret de ses entretiens. »

Vers la trentaine, elle obéit à son génie en prenant rang parmi les femmes politiques, avec Mme de Longueville, qui n’avait pour tout génie que ses cheveux blonds et ses yeux charmans, et n’en faisait pas moins marcher les hommes ; avec l’altière Montbazon, éclatante et superbe, mais trop vicieuse, et trop utilitaire dans le vice, même pour son temps ; avec la duchesse de Châtillon, beauté impérieuse qui se fit peindre la main sur un lion à face humaine, et ce lion à la ressemblance du grand Condé ; avec tant d’autres, qui se jouèrent pendant la Fronde, dans la mesure de leurs forces, de l’honneur et de la vie des hommes, de la souffrance universelle, de l’existence de la patrie ; avec la Grande Mademoiselle enfin, éveillée aux idées sérieuses par le danger qui menaçait sa maison.

La fille de Gaston d’Orléans avait grandi dans la pensée que la branche cadette de la maison de France, — la sienne, — pouvait arriver à tout. C’était depuis plus d’un siècle la leçon de l’histoire. De Charles VIII à Louis XIII, la couronne ne s’était transmise que deux fois du père au fils ; dans tous les autres cas, elle était passée aux frères ou à des cousins. Les collatéraux de

  1. Voyez la Revue du 15 février.
  2. Edouard, prince Palatin, était l’un des cadets de l’électeur Palatin Frédéric V.
  3. Oraison funèbre d’Anne de Gonzague.