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paisiblement braqués sur toute la fantasmagorie moderniste comme une protestation tranquille et forte du passé. Ils n’auront pas besoin de tonner : il suffira d’un souffle d’hiver, avec la lassitude de vivre, pour balayer ces choses qui ne sont nées ni d’un réel besoin d’utilité, ni d’un rêve de beauté, mais simplement du désir de faire autre que le passé. Dans la forme, la recherche du style a été impuissante, parce qu’elle a été négative.


II

Elle a été positive dans la couleur. Là, on n’a pas cherché à éviter les traditions anciennes, mais à les enrichir, ni à refuser le legs des vieux maîtres, mais à l’augmenter. On n’a pas voulu faire autrement, mais faire mieux. On a été mû par un réel désir, par une joie de l’âme, par un plaisir des yeux, et non par une opération de la logique. On ne s’est pas dit : Il faut, coûte que coûte, un style nouveau, — ce qui n’est qu’un raisonnement. On s’est dit, en regardant la nature : Comme voilà de belles couleurs ! Comme il serait bon de les avoir sur nos objets familiers, constamment exposés à nos yeux dans nos maisons, au salon, sur notre bureau, à l’heure du loisir, à l’heure du travail ! — ce qui est un sentiment esthétique.

C’est d’un semblable désir qu’était né l’art de Palissy lorsque « un jour, se promenant le long de la prairie en cette ville de Xaintes, près du fleuve de Charante, et en entendant des voix de jeunes filles assises sous certaines arborées qui chantaient le psaume CIV, » il résolut de figurer en quelques vitraux les paysages décrits par le prophète, puis, (« vu que les peintures sont de peu de durée, rêva d’édifier un jardin jouxte le dessin que le prophète a décrit. » « Sache, dit encore Palissy, qu’il y a vingt et cinq ans passés, il me fut montré une coupe de terre tournée et émaillée d’une telle beauté, que dès lors, j’entrai en dispute avec ma propre pensée, et dès lors, sans avoir égard que je n’avais nulle connaissance des terres argileuses, je me mis à chercher les émaux comme un homme qui tâte en ténèbres… »

Nos novateurs de même. Les uns virent quelques fragmens de poteries à reflets de métal qu’un peintre rapportait d’Orient. D’autres admirèrent la beauté des porcelaines de Chine et du Japon, et tous alors « entrèrent en dispute avec leur propre pensée. »