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Congo. Guidé par l’esprit politique du souverain, secondé par le dévouement d’hommes intrépides sortis des rangs de l’armée belge, il s’est implanté dans ces régions sauvages, il a mis fin à la traite des esclaves, il s’est créé des ressources qui lui permettent aujourd’hui de subsister par ses propres moyens.

Indifférent d’abord, le grand public cosmopolite prit seulement intérêt à ces événemens vers 1898, lors de l’inauguration du chemin de fer qui supprime l’obstacle des rapides et relie commercialement les deux parties du fleuve, barré, si près de son embouchure, par 300 kilomètres de cataractes.

Très modeste ouvrier de l’œuvre politique de Sa Majesté, j’avais déjà touché aux affaires du Congo et rempli des missions se rapportant à ses intérêts. Mais je ne connaissais pas le pays et j’avais un vif désir de voir cette terre africaine qui intéresse au plus haut point les Belges, puisque, sur la volonté exprimée par le Roi dans un testament daté de 1890, il nous en fait don, si nous voulons accepter le legs royal. L’occasion s’offrait à moi de visiter rapidement la colonie offerte à la Belgique, et, le 1er janvier dernier, je m’embarquais à Anvers pour descendre trois semaines plus tard à Banana, station de l’Etat sur la rive droite de l’embouchure du Congo.

Banana est une étroite langue de terre entre la mer et le fleuve ; elle est couverte de cocotiers épanouis et de blanches factoreries. A peine dans le port, on y subit cette sensation d’étuve si particulière aux latitudes équatoriales, où la chaleur accablante ne varie guère, ni le jour, ni la nuit. Une autre impression me saisit dès l’abord, c’est la bonne tenue du personnel blanc et l’allure militaire de la troupe indigène. Officiers et fonctionnaires, dans leurs uniformes ou leur petite tenue de toile blanche, coiffés du casque colonial, donnent l’impression du respect de soi-même et de la discipline ; le voyageur fait cette réflexion : il y a de l’ordre ici.

Le Gouverneur général avait envoyé à ma rencontre une chaloupe à vapeur de l’Etat pour m’amènera Borna. J’eus ainsi l’occasion de remonter le fleuve en longeant de très près la rive. C’était un véritable enchantement de frôler cette luxuriante végétation que décoraient des palétuviers aux racines aériennes, des palmiers élaïs aux têtes empanachées, des arbustes variés aux feuilles énormes et rutilantes de sève. Çà et là, au détour du fleuve, qui, majestueux, s’étend sur une largeur de plusieurs kilomètres,