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qui paraît devoir être exploitable dans les conditions économiques actuelles. Ainsi, à l’époque où les couches d’une profondeur de moins de 700 mètres auront été épuisées en Angleterre, on peut supposer que le prix de revient y sera sensiblement augmenté, que la Grande-Bretagne ne pourra plus expédier, comme fret de retour, de la houille à bon marché par les navires qui lui arrivent chargés des produits qu’elle importe, et qu’elle se trouvera donc dans une position moins favorable qu’aujourd’hui, au point de vue, non seulement de sa propre industrie, mais de ses échanges internationaux.

L’expédition des charbons d’un continent vers l’autre démontre pratiquement la justesse de notre théorie : droits de douane à part, c’est le coût d’extraction et les frais de transport qui constituent les seuls élémens du prix. Les charbons bitumineux de la Virginie, combustible apprécié, supportant bien le voyage parce que les menus morceaux s’agglomèrent et ne s’effritent pas, apparaissent dans les ports de la Méditerranée, où ils font une concurrence efficace aux charbons de Cardiff. Déjà, le chemin de fer de Paris-Lyon a acheté des cargaisons de charbon américain qui ont été débarquées à Marseille. Au contraire ces charbons ne pouvaient, jusque dans les derniers temps arriver dans les ports de la Manche, parce que le fret, qui de Cardiff à Marseille coûte 9 shillings par tonne, n’en coûte que 5 de Cardiff au Havre, où dès lors les charbons anglais avaient 4 shillings d’avance sur ceux d’Amérique. Nous ne citons ce cas qu’à titre d’exemple. D’ailleurs l’achat récent de charbons américains en Angleterre prouve que, pour certaines qualités tout au moins, les Etats-Unis peuvent déjà faire concurrence à la Grande-Bretagne, chez elle : à plus forte raison, le peuvent-ils au dehors. Qui sait maintenant les surprises que nous réserve la Chine, dont le territoire houiller paraît être le plus vaste du monde et qui, avec sa population dense et laborieuse, produira peut-être la houille à un prix plus bas que partout ailleurs et l’offrira jusqu’en Europe et aux Etats-Unis à des cours inférieurs aux prix de revient actuels ? C’est l’ensemble de notre planète qu’il faut considérer pour le marché du charbon, comme pour celui de tant d’autres matières et produits : il est possible que les peuples, plus ou moins mal inspirés, cherchent à fausser les conditions de la concurrence naturelle en élevant des barrières douanières. Toutefois des droits à l’importation de la houille seront plus impopulaires que d’autres, parce