et se fiance avec elle. Tel est, en résumé, Henri d’Ofterdingen.
Mais ce conte est d’un sentiment si profond et d’un art si
parfait que l’on comprend sans peine la place qu’il occupe parmi
les chefs-d’œuvre des lettres allemandes. On comprend que, sitôt
publié, il ait enivré de plaisir l’Allemagne entière, que toute l’école
romantique ait voulu l’imiter, et que, aujourd’hui encore, toute
une jeune école le considère comme la plus complète expression
de son idéal. « Henri d’Ofterdingen contient le programme de
l’art que nous rêvons,» écrivait M. Horst Stephan dans une revue
allemande d’il y a quinze jours. Et en effet Henri d’Ofterdingen
a de quoi rester à jamais un « programme » poétique. Pas une
ligne n’en a vieilli, n’a perdu son parfum de beauté juvénile.
« Je voudrais maintenir tout le chapitre dans une tonalité bleue,
— disait Novalis, — avec un jeu d’autres nuances dans les
arrière-plans. » Le bleu du tableau n’a point pâli ; et le temps n’a fait
que le rendre plus doux. En comparaison de l’exquise douceur
du style et des images d’Ofterdingen, l’Ondine de
La Motte-Fouqué, et tous les récits des Brentano et des Eichendorff ont
quelque chose de lourd, de grossier, ou de faux. Une fois de plus,
quand on veut se définir l’attrait particulier de l’œuvre de Novalis,
c’est le souvenir de Mozart qui s’offre à l’esprit. Et, de même que
toute l’âme de l’auteur des Fantaisies en fa mineur et du
Requiem se retrouve sous les rythmes légers de la Flûte enchantée,
de même on sent sous les fables et les chansons
d’Henri d’Ofterdingen l’âme profonde d’un poète-philosophe, accoutumé à tous
les modes de l’émotion et de la pensée.
Novalis allait commencer le second chapitre de son roman,
lorsque la mort est venue l’arrêter. Depuis cinq ans déjà, la
phtisie le rongeait, depuis les fatigues et les angoisses que lui
avait values la maladie de sa petite fiancée. À l’automne de 1800,
pendant un séjour qu’il fit à Dresde, son mal s’aggrava
brusquement, et c’est à grand’peine que sa mère put le ramener à
Weissenfels. Tout travail suivi lui devint impossible : mais, à mesure
que ses forces diminuaient, il se sentait plus calme et d’esprit plus
joyeux. Il s’amusait de nouveau à noter ses impressions.
Apprentissage de l’art de vivre, avait-il inscrit en tête de ce Journal
intime. Et voici quelques-unes de ses réflexions :
Le 8 octobre 1800. — Résister à l’inquiétude et à la crainte, en cela consiste la suprême patience. Et en cela aussi le suprême remède pour se gué-