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dépenses de l’expédition, dont il connaîtrait alors le montant. C’est pourquoi il différait l’émission d’un nouvel emprunt consolidé : c’est, pourquoi, en septembre 1900, l’Echiquier mettait en vente 10 millions de livres sterling, soit 250 millions de francs, de bons 3 pour 100, à trois ans d’échéance, dont le prix d’émission fixait le rendement réel à environ 3,75 pour 100 l’an, et se faisait garantir, avant l’émission, la souscription de ces bons par un syndicat composé en partie de maisons de banque de New-York. Pour la première fois dans l’histoire, l’Amérique aidait de ses capitaux l’Angleterre qui, depuis un siècle, lui avait prêté des milliards, et qui recourait maintenant à l’appui de la jeune métropole financière du Nouveau-Monde. Peu d’années auparavant, lorsque le président Cleveland réparait les maux de la législation argentiste et émettait des emprunts successifs destinés à combler les vides du trésor américain, c’est avec l’appui de puissantes maisons anglaises que les banquiers de New-York avaient souscrit les obligations fédérales. Il a fallu que la guerre du Transvaal atteignît bien profondément le marché de Londres pour que, en un espace de temps aussi court, les rôles fussent renversés. Aujourd’hui la dette flottante de l’Echiquier dépasse 100 millions de francs, tandis que le Trésor fédéral à Washington dispose d’une encaisse or de 2250 millions : il est vrai qu’une partie de la circulation américaine consiste en billets du gouvernement, dont ce stock métallique garantit le remboursement.

Ce n’est pas une des moindres surprises de l’évolution provoquée par les derniers événemens que de voir tout d’un coup surgir cette puissance au premier rang des grands centres financiers : la richesse des ressources naturelles, jointe à la prodigieuse activité des habitans du Nouveau-Monde, faisait depuis longtemps pressentir aux observateurs attentifs l’importance qu’il prendrait un jour. Mais, s’il est exact de dire que la guerre sud-africaine n’a pas provoqué le phénomène, on peut affirmer qu’elle en a tout au moins hâté singulièrement l’apparition.

Depuis lors, plusieurs émissions de bons du Trésor ont encore eu lieu. Le 21 septembre 1900, il en a été créé 50 millions, qui ont été adjugés au taux d’environ 3,87 pour 100, moitié à six mois, moitié à neuf mois d’échéance. L’Echiquier avait emprunté de toutes manières, notamment en faisant usage des pouvoirs qui lui avaient été conférés par une série de lois antérieures, telles que l’acte des casernes de 1890 (Barracks act), les lois des télégraphes