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Laissons les jésuites de côté, mais apercevons le défilé devant nos corps législatifs des capucins aux pieds nus et à la longue barbe, des congrégations enseignantes, telles que les maristes, les eudistes, ayant à un haut degré la confiance des familles, et faisant conséquemment aux établissemens de l’Etat une concurrence qu’on veut à tout prix éteindre, des dominicains à la parole ardente, de ceux qu’on appelle les moines fainéans, tels que trappistes, chartreux, bénédictins, et comprenons quel accueil est réservé à leurs requêtes d’autorisation. Il n’y aurait pas besoin du geste de détresse qu’on pourrait garder pour de plus grands jours ; tous seraient condamnés d’avance ; on aurait devant soi l’ennemi pieds et poings liés : aux gémonies !

Et puis, qui n’a remarqué ces mots inscrits dans l’article 11 du projet : « Ne peuvent se former sans autorisation donnée par une loi qui déterminera les conditions de leur fonctionnement, les associations, etc. » ? Qu’est-ce à dire ? sinon que les Chambres auront d’abord le droit, — dont elles useront largement, — de refuser l’autorisation ; la faculté ensuite, pour le cas où elles voudraient se montrer moins rigoureuses, de réviser ce qu’on appelle en langage ordinaire les statuts de l’association, ce qui se nomme, dans la langue de la matière, la règle de la congrégation. Vous représentez-vous bien l’examen de cette règle où l’on verra figurer en première ligne des obligations comme celles de se lever la nuit pour chanter les louanges du Seigneur, de s’abstenir d’alimens gras toute l’année ou à de certaines périodes plus ou moins longues, etc., fait par une commission que pourrait présider M. Brisson et dont M. Trouillot serait peut-être le rapporteur ? Le spectacle, s’il venait à se produire, ne laisserait pas que d’être tout au moins intéressant.

L’autorisation sera refusée par la raison péremptoire, et qui dispenserait de toute autre, que ceux-là qui obligent à la demander sont aussi ceux qui sont chargés de l’accorder, et que ceux qui obligent à la demander et sont chargés de l’accorder sont aussi ceux qui poursuivent la mort des établissemens contraints de solliciter la permission de vivre. Elle sera refusée encore parce qu’on s’est mis, pour ainsi dire, et volontairement, dans l’impossibilité de l’accorder.

Quand il s’est agi de conférer à une association religieuse le caractère particulier et très important de congrégation reconnue, on ne l’a jamais fait, on ne le peut raisonnablement faire, non