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gauche, le réservoir de Cercey où s’attardent, tout près de leur source, les eaux de l’Armancon ; c’est, en face, le réservoir de Chazilly d’où les eaux coulent, d’une part, dans l’Arroux et, d’autre part, dans l’Ouche et, par là, dans la Saône ; les autres se confondent, vers Rouvres, avec les marécages de la plaine.

Le Châtellenot actuel est ce qui reste d’un vieux château féodal dont les ruines sont éparses sur la colline. Tel quel, il rappelle la villa romaine décrite par Pline. Un corps de bâtiment, ayant façade sur la vallée et monté sur trois étages de terrasses en gradins, se compose d’un pavillon central et de deux ailes ; le tout est construit en briques et moellons et couvert en tuiles ; l’entrée principale s’ouvre par derrière, sur le plateau ; c’est une poterne percée dans une sorte de donjon carré. Tout contre, une vieille chapelle construite en appareil très ancien et ombragée de grands arbres, avec une vieille abside romaine, en cul de four.

Le cirque, dominé par la position du château, est beaucoup plus vaste et plus important que je ne l’eusse cru tout d’abord. Géographiquement, il appartient à l’Auxois. — l’Auxois d’Alise-Sainte-Reine. Cercey, Thoisy-le-Désert. Pouilly, tous les villages que je vois d’ici semés dans la plaine avaient pour capitale l’Alésia de Vercingétorix, qui est à quelques lieues au nord. En face, ce sont les collines de la Côte-d’Or. Au sud, dans la direction de Nolay, c’est l’ouverture qui mène en Suisse, par le Jura, et vers le sud, par le Rhône. A l’ouest, ce sont les montagnes du Morvan, et j’aperçois, d’ici, le Mont-Beuvray, la Bibracte ; des Eduens.

Quels noms, et quelle haute et grande antiquité évoquée tout à coup et réunie ; là sous un seul regard ! Comme le champ historique et le paysage lui-même s’élargissent ! La cuve, à mes pieds, montre clairement ses trois parties distinctes, comme si la nature avait voulu dessiner, dès la matrice, les trois aspects de la création quelle méditait : à gauche, les étangs et les bois : en face, les prairies ; à droite, la terre arable et les premiers carrés de vignes.

Je retiens vers la Cérès et je la dessine ; avant de partir, je jette un dernier coup d’œil sur la vallée respectable. Quand les Romains s’installèrent là, ils savaient ce qu’ils faisaient. Car, c’est ici, entre la Bibracte des Eduens et l’Alésia de Vercingétorix, c’est dans ces lieux que la Gaule a vécu, s’est défendue et