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L’ENCYCLOPÉDIE.

de la naissance et des circonstances accidentelles. La France, du moins, a fait son choix, qui n’a pas été dans le sens des Encyclopédistes, et si nous avons vu que certaines idées encyclopédiques se sont retrouvées dans les œuvres de la Révolution française, il faut reconnaître aussi que l’idée maîtresse de la Révolution a été directement contraire à l’esprit de l’Encyclopédie. L’influence de Montesquieu et de Rousseau a été sensible sur la Révolution. L’influence de Voltaire, de Diderot, de d’Alembert et de l’Encyclopédie n’y a été que partielle et de peu de conséquences.


VII


J’aurais bien des choses à dire encore, et dont quelques-unes seraient à l’éloge de M. Ducros, sur les idées générales dont il appuie son ouvrage et dont il encadre son sujet. Mais je me hâte et me borne ici au strict essentiel. Pour M. Ducros, l’Encyclopédie est le terme éclatant d’une évolution d’idées qui remonte à la Renaissance. Du « naturalisme » de la Renaissance dériva le rationalisme de la Réforme et de Descartes, du rationalisme de la Réforme et de Descartes, l’humanité, la philanthropie, si marquées dans les œuvres de l’abbé de Saint-Pierre, de Montesquieu, de Voltaire, de Vauvenargues. Le naturalisme, rationalisme et humanité se retrouvent, en une forte synthèse, dans l’esprit encyclopédique, pour former une philosophie achevée et une morale admirable.

Les raisons que donne M. Ducros à l’appui de ce système ingénieux sont ingénieuses elles-mêmes, subtiles, adroites et, prises en soi, souvent vraies et toujours très agréables. Le système reste pour moi plus spécieux que juste. Je ne vois pas bien, malgré les efforts de l’auteur à me la faire voir, la filiation du naturalisme au rationalisme. La Réforme en particulier me paraît moins une dérivation du naturalisme qu’une formidable insurrection contre les tendances naturalistes de la Renaissance et contre la Renaissance elle-même et une ardente explosion d’idéalisme indigné. Le cartésianisme, moins indigné et moins ardent peut-être, me semble avoir exactement le même caractère, et, peut-être, en adoptant Descartes, les croyans spiritualistes du