Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/852

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

masculin. Une des congressistes l’a fort bien dit : « Il doit en être de la législation des métiers comme de celle de la navigation, les bateaux étant construits pour flotter et aussi de telle manière que les conditions de la vie à bord ne soient préjudiciables à la santé de personne. »

Les lois qui régissent le travail des enfans, passifs entre les mains de leurs exploiteurs, étaient plus indispensables encore que celles qui protègent les femmes contre elles-mêmes, contre leur propre courage. C’est la France qui a donné le signal. Entre 1870 et 1893, presque tous les pays civilisés ont suivi son exemple et promulgué successivement ces lois bienfaisantes ; l’âge d’admission dans les fabriques varie, depuis lors, de neuf à quatorze ans. Il a été d’abord rigoureusement déterminé pour le pénible travail des mines, tout au moins en France, en Angleterre et en Prusse, car en Italie, de très jeunes garçons sont empoisonnés d’air méphitique dans les mines de soufre : en Espagne, c’est bien pis encore : toutes les horribles maladies que dégage l’exploitation du plomb et du mercure, toutes celles qui résultent de certaines industries chimiques déciment les pauvres enfans du peuple, déformés, défigurés, atteints, tout petits, de tremblement incurable ou de nécrose. L’ouvrier anglais, après avoir abusé avec l’énergie implacable propre à sa race ; du droit reconnu à tout être de lutter jusqu’à complet épuisement, est enfin revenu de cette monstrueuse exagération de l’effort et se trouve peut-être aujourd’hui dans de meilleures conditions économiques qu’aucun autre travailleur, ce qui n’empêche que l’Angleterre ait encore des réformes à faire dans la législation du travail des enfans. Certes on ne voit plus les pauvres babies du Lancashire aider, à quatre ans, dans les fabriques, debout et prisonniers des lourdes bottes de bois et de plomb qui soutenaient leurs jambes trop faibles ; ces supplices ont cessé ; mais les enquêtes auxquelles se livre le Conseil industriel des femmes produisent cependant la découverte de faits révoltans : 147 000 enfans, tout en fréquentant l’école, sont, avant ou après la classe et les jours de congé, employés à des besognes au-dessus de leurs forces. Un petit marchand de journaux ajoute chaque semaine jusqu’à cent heures de travail à ses devoirs d’écolier. Une fillette de sept ans est appointée pour faire chaque matin le knocking up de son quartier, réveiller les ouvriers en les appelant à quatre heures et demie, hiver comme été. Beaucoup d’autres sont louées par