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s’affranchir sur tous les points essentiels. De même en Russie, les femmes, longtemps soumises à un esclavage quasi oriental, possèdent aujourd’hui des privilèges supérieurs à ceux de leurs pareilles d’Occident ; elles ont sur la propriété commune les mêmes droits que leur mari et sont généralement favorisées en cas de séparation. La législation civile en Allemagne vient de subir de grands changemens : jusqu’en 1900, il y avait non seulement des lois spéciales pour chaque partie de l’Empire, mais des lois locales pour les divers districts, pour les différentes villes. Le nouveau Code assure aux femmes quelques-uns des droits qu’elles, réclamaient, particulièrement en ce qui concerne la tutelle des enfans et des incapables, qui, ne fussent-ils pas de leur famille, peuvent leur être confiés par les parens et par les tribunaux.

Aux Etats-Unis, en Angleterre, en Hongrie, en Russie, en Scandinavie, dans quelques parties de l’Autriche, la complète séparation de biens est admise comme loi de la propriété des femmes mariées. En France, la femme majeure et célibataire est légalement, sinon de fait, aussi bien partagée que l’homme adulte. Il est vrai que, mariée, sa situation est beaucoup moins avantageuse. Mais une loi récente l’autorise à figurer comme témoin dans les actes civils ; une autre loi, ébauchée tout au moins, et cela grâce à l’active intervention d’une femme. Mme Schmahl, va lui permettre de toucher le produit de son travail personnel et d’en être seule maîtresse. On voit poindre le temps où la femme, sans révolution appareille, jouira de ses droits civils, pourvu qu’elle sache attendre, se borner aux réformes qui sont dans l’air, selon la très juste expression de Mme d’Abbadie d’Arrast, membre du comité de notre Congrès des œuvres et institutions féminines, qui n’inscrivit dans son programme rien de chimérique ni même de trop ambitieux, se tenant, sauf exception rare, à des questions que déjà l’opinion est bien près d’accepter et qui, en tout cas, ne sont en opposition ni avec les usages ni avec les mœurs. C’est dire qu’il a laissé de côté les droits politiques. Au Congrès international de 1899, comme au Congrès de la condition et des droits de la femme qui vient de se clore à Paris, les droits politiques, au contraire, furent énergiquement revendiqués. La présence à Londres d’une des grandes agitatrices qui, depuis près d’un demi-siècle, plaident en Amérique la cause du suffrage vraiment universel, la vénérable Susan Anthony, contribuait à exalter les esprits.