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LACHLAN

Il n’y avait pas de galerie dans l’église libre de Drumlochty ; mais on avait surélevé de deux pieds les bancs du fond, et ainsi les personnes qui occupaient le premier de ces bancs dominaient toute l’assemblée.

Lorsque Lachlan Campbell nous arriva de cette paroisse privilégiée d’Auchindarroch que les « anciens » gouvernaient de leur main de fer et où l’observation du dimanche était si rigoureuse que personne ne s’y fût fait la barbe ce jour-là, il examina le terrain de l’œil d’un stratégiste et choisit tout aussitôt la stalle d’angle du premier de ces bancs. De cette place favorisée, le dos à la muraille, à quelque distance de sa fille, il dominait la chaire, et six mois ne s’étaient pas écoulés qu’on avait dû reconnaître en lui un censeur dont les jugemens devaient être pris en considération, aussi bien par le pasteur que par l’assemblée des fidèles.

Non pas que Lachlan parlât jamais longuement, ou avec emportement. Loin de là ! sa politique consistait à garder un silence plein de sous-entendus ; il ne s’exprimait guère que par paraboles, mais ces paraboles, malgré la difficulté qu’on avait à les interpréter, peut-être même à cause de cette difficulté, étaient très écoutées, très redoutées surtout.

Il jouissait de l’autorité que donne la retenue, et connaissait, en vrai Celte qu’il était, la valeur du mystère. Jamais il ne se serait laissé aller à prendre part aux causeries qui se tenaient sous le porche de l’église avant le service divin ; jamais non plus, il