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plus récens encore, il y a lieu aujourd’hui de remonter au philosophe qui non seulement a le premier appliqué la méthode et pressenti les résultats de l’exégèse contemporaine, mais a défini avec clarté le degré précis d’importance que les recherches d’exégèse ont pour la foi religieuse.


I

Pour éclairer l’ouvrage, mettons-le dans son cadre, la Hollande de 1670.

L’activité religieuse qui régnait alors en Hollande fait notre étonnement. Pendant l’invasion de 1672, un colonel genevois des armées de Louis XIV, Stoup, en fut si frappé que, restant aux apparences, il se demanda, dans un libelle fameux, quelle était, sous le fouillis des sectes, « la Religion des Hollandais. » Il n’y avait marchand ni homme du peuple qui ne discutât théologie, qui n’eût son opinion sur la prédestination, sur l’interprétation de l’Écriture, sur le contenu de la révélation[1]. Pour chacun, choisir sa religion était l’œuvre importante. Au premier rang se présentaient l’Eglise réformée, — église d’Etat pour les provinces de Hollande et de Zélande, — et l’Église wallonne, de langue française, son aînée en calvinisme ; puis, les luthériens et les romains catholiques, divisés, les premiers en « libéraux » et « rétablis, » les seconds en « molinistes » et « jansénistes, » ces derniers tout près du schisme[2]. — Des Réformés s’étaient détachés les « Remonstrans » ou Arminiens, groupe plus ouvert et plus tolérant, dont avait été Grotius, et qui, avec Jean de Witt et la bourgeoisie républicaine, était alors au pouvoir. — Il restait, dans le peuple, beaucoup d’Anabaptistes, ou plutôt de « Mennonites, » car ils avaient répudié le prophète Jean, campagnards puritains, qui s’appelaient eux-mêmes les <( raffinés » ou les « grossiers, » selon qu’ils étaient rigides ou modérés et suivaient le pasteur Apostool ou le médecin Galen. Plus profond, on pouvait trouver encore des Sacramentaires, des Enthousiastes, des croque-morts lollards, des colporteurs vaudois, et peut-être, parmi les tisserands, des Frères de la vie commune. Partout enfin on croyait apercevoir la secte

  1. Voyez les Lettres adressées à Spinoza par un marchand de Dort, Willem van Bijenberg (Lett. 18, 20, 22, 24, 27 de l’édition van Vloten).
  2. L’archevêché d’Utrecht se sépara de Rome en 1701.