chacune des capitales où il est allé négocier ses grandes affaires, Sidonia a traité, c’est lui qui l’affirme, avec un ministre d’extraction juive : à Madrid, à Paris, à Berlin, et même à Saint-Pétersbourg. — « Certaines circonstances amenèrent un rapprochement entre les Romanoff et les Sidonia ; à mon arrivée, j’eus une entrevue avec le ministre des Finances ; je vis en lui le fils d’un Juif de Lithuanie. » — Cet homme Imaginatif exagérait un peu, en 1840.
Il explique à son auditeur pourquoi les Juifs sont contraints de s’appuyer parfois sur les radicaux, sur les socialistes.
— Depuis que votre société anglaise a été troublée, et vos institutions menacées, vous voyez les Hébreux, jadis sujets si fidèles, dans les rangs des radicaux et des latitudinaires, soutenant ce qui peut mettre en danger leur vie et leurs biens, plutôt que de continuer à subir un joug dégradant. Les tories perdent une élection importante dans un moment critique ; ce sont les Juifs qui ont fait pencher la balance. L’Église craint de voir le scepticisme s’emparer des universités, elle apprend avec joie que l’argent manque à ces établissemens ; un Juif s’avance et leur fait les fonds nécessaires. Et cependant, Coningsby, les Juifs sont essentiellement tories. Le torysme s’est en effet modelé d’après le puissant prototype qui a façonné l’Europe. A chaque génération, les Juifs doivent devenir plus puissans et plus dangereux dans la société qui leur est hostile. Pensez-vous que la molle et puérile persécution du représentant, décemment modéré, d’une université anglaise puisse écraser, ceux qui ont tour à tour déjoué les Pharaons, Nabuchodonosor, Rome et la féodalité ? Le fait est que vous ne pouvez détruire une race d’organisation caucasique pure. C’est un fait physiologique, une simple loi de la nature, qui déjoua les rois d’Egypte et d’Assyrie, les empereurs romains, les inquisiteurs chrétiens, Ni lois pénales, ni tortures physiques ne peuvent effectuer l’absorption d’une race supérieure par une race inférieure. Les races mêlées des persécuteurs disparaissent, la race pure des persécutés reste. En ce moment, en dépit de siècles, de milliers d’années de dégradation, l’esprit judaïque exerce une grande influence sur les affaires de l’Europe...
L’homme qui hasardait ces théories dans le livre les justifia dans sa vie publique. Il joua franc jeu, ne recourut jamais aux subterfuges pour déguiser ses origines, son principe d’action, son but ; et c’est par quoi sa physionomie est sympathique. Ce caractère ethnique indélébile, qui fait selon lui toute la force de sa race, il le revendiqua fièrement, bien loin qu’il s’en défendît comme tant d’autres. Se sentant né pour le pouvoir, pour une place éminente dans la plus exclusive des aristocraties, il conquit ces objets de son ambition au nom d’une aristocratie supérieure, la plus ancienne, la plus avérée qui soit dans le monde.