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une statistique trentenaire très exacte dressée en 1890 pour le département de la Somme. Il faut toutefois remarquer que météorologistes et économistes n’envisagent pas la question sous le même aspect, encore que tous deux aient raison à leurs points de vue respectifs. Tirées des registres mêmes de la Compagnie d’assurances l’Abeille, qui les a fournis à M. Duchaussay, les données suivantes ne peuvent concerner que les orages ayant causé des dégâts ; mais, pour le physicien, inoffensive ou dangereuse, toute précipitation de grêle compte. Donc, sur 222 orages, les mois d’avril, septembre et octobre en réclament chacun 2 ; mai (31 grêles) équivaut presque à août (35 grêles) ; juillet, avec 66 cas (juste autant que les deux précédens réunis), se montre menaçant ; et, pour finir, juin, avec 76, remporte la palme de la destruction.

Loin de rester immobile en écrasant toujours un territoire donné du commencement à la fin de l’orage, le météore ravageur, populabundus agros, comme dit Sisenna, circule avec une vitesse à peu près égale ou même supérieure à celle d’un train rapide, en parcourant une distance très variable, mais qu’on a vue atteindre plusieurs centaines de kilomètres. Un fléau pareil ruinerait la moitié d’un pays comme la France en quelques heures, si, par un bonheur relatif, la largeur de la zone grêlée ne s’étendait jamais à plus de 16 kilomètres et ne se réduisait souvent à un ou deux. Quand, pendant ce trajet sinistre, une vallée s’ouvre dans le sens de propagation, malheur à elle : car la grêle en épouse immédiatement les sinuosités. Quelquefois encore l’orage, d’abord unique, se sépare en deux branches distinctes qui cheminent parallèlement. On a remarqué aussi qu’à droite et à gauche de la bande grêlée, les chutes de foudre se produisaient fréquentes.

Il serait non pas difficile, mais absolument impossible, de dresser une statistique de la distribution des grêles en France, embrassant à la fois tout le territoire et une longue série d’années. Ce que l’on sait, c’est que les dégâts commis dans notre pays, lors de certaines années désastreuses, se sont chiffrés par plusieurs dizaines de millions de francs et que ces dégâts mêmes sont répartis suivant la plus choquante inégalité. Peut-on se fonder sur l’examen des listes d’indemnités payées par les compagnies d’assurances opérant dans la France entière ? Ces renseignemens sont curieux, mais exigent de formidables restrictions. Là où la grêle est rare ou peu dangereuse, on ne s’assure point ;