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pèche contre le goût. » Canova, Thorwaldsen et leurs successeurs l’avaient établi en principe. De même, quand Rude sculptait au flanc de l’arche triomphale son magnifique Départ, il repoussait le feutre emplumé, l’habit à la française, toute la défroque de 1792, et ne retenait des combattans que la passion qui les inspirait. Et c’était excellent. Mais, si féconde que soit une tradition d’art, quand elle est appliquée sans esprit par une foule de médiocres élèves, elle devient insupportable aux esprits indépendans et insuffisante aux délicats. Tel fut le sort du « nu » et du « drapé. » Les innombrables effigies funéraires de Thorwaldsen en donnèrent le dégoût. On chercha un renouvellement dans la silhouette sculpturale du contemporain. On se demanda si c’était bien une « loi » inéluctable, — et si d’ailleurs il y avait en art des lois que des novateurs hardis ne pussent enfreindre ou tourner...

On remarqua, par exemple, que le Moïse n’était point selon le canon de Polyclète, que le Coleone portait un autre costume que la toge et que les figures enthousiastes de Rude ne respectaient pas les principes que Lessing avait cru découvrir dans le Laocoon. En même temps on montrait les Hollandais tirant un parti merveilleux de leurs sombres vêtemens noirs. On citait Chardin pénétrant d’une poésie d’intimité les plus humbles outils de la vie familière. Dans toutes les régions de l’Art, on apercevait que de prétendues lois n’étaient que des conventions. On avait cru ces lois de l’art absolues. Or, elles ne l’étaient pas. Donc, il n’y avait pas de lois absolues en art.

C’était une conclusion précipitée. Autant eût valu dire : on a cru que tel corps était simple : or, on a découvert qu’il était composé ; donc, il n’y a pas de corps simple. Mais elle répondait si bien au besoin de réaction contre le pédantisme de l’école, qu’on l’adopta d’enthousiasme et qu’on somma les artistes de lui donner raison. « Croyez-vous, écrivait Planche, que si Rubens et Van Dyck revenaient, ils ne sauraient pas tirer parti du costume français en 1831 ? Nous renvoyons ceux qui en douteraient à tous les portraits parlementaires de Lawrence que nous connaissons par les gravures de Reynolds, Cousins et Maile. L’art, quoi qu’on en dise, trouve à se loger partout, tout lui obéit, tout lui cède quand il commande impérieusement. » Et Planche avait raison, s’il voulait dire que jamais un costume sévère, noir, monochrome, n’a été rejeté par un grand artiste comme inesthétique,