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le seront par l’autorité, l’opposition systématique, si elle se produisait, ne pourrait tenir contre elles. Les bateliers, les porteurs (une légion !), les muletiers, etc., ont des boutiques ou maisons-mères, mais, dans cette catégorie, les bateliers sont les seuls qui pourraient être sérieusement atteints par la navigation fluviale à vapeur et le développement des réseaux de chemins de fer. Mais, outre que cette exception ne s’appliquerait qu’aux provinces à grandes voies fluviales qui permettent ce genre de trafic, nous pouvons, à cet égard, émettre déjà des prévisions favorables, car l’expérience en est faite depuis deux ans sur le Fleuve Bleu et dans tout le Delta de la rivière des Perles ou de Canton, où la navigation fluviale est en plein développement. Nous l’avons nous-mêmes inaugurée aux environs de Macao et jamais nous n’avons eu connaissance d’une opposition populaire ou marchande quelconque, bien que l’innovation fût très spécialement à l’avantage de l’Européen : on paraît trouver au contraire, dans ces parages, que l’apparition du vapeur ajoute tant à l’activité générale, que déjà les petits vapeurs se comptent par centaines. Cela nous amène à parler de la classe, très intéressante pour nous, qui existe entre le travailleur et le lettré, celle des marchands et leurs affiliés, boutiquiers, agens d’affaires, courtiers, banquiers, etc. Ceux-ci ne peuvent que gagner au développement industriel et commercial : ils sont pratiques, éveillés, d’une activité sans égale, concilians toujours, et surtout respectueux de l’autorité ; ils ne peuvent accueillir qu’avec joie toute transformation financière, car, dans l’état présent des choses, ils sont abominablement pressurés ; à eux seuls ils supportent presque tout le poids de l’impôt, légal ou arbitraire. L’Européen qui a eu affaire à eux les a constamment trouvés obligeans et scrupuleusement liés par leurs engagemens.

Nous croyons donc que, parmi le peuple, toute innovation industrielle ou manufacturière, les chemins de fer, les vapeurs, etc., seront bien accueillis et ont toute chance de réussite.

Quant à la classe lettrée, cette sorte de noblesse de Chine où se recrute tout le mandarinat civil, commençons par dire que l’empereur Kouanghsü ne lui ménage pas ses vérités dans son édit et qu’elle le mérite bien : on dirait qu’il tient à l’écraser publiquement de son mépris. « … Les affaires publiques, dit le souverain, ne sont plus qu’un prétexte à l’échange d’élégantes pièces de prose, dans lesquelles tout est creux ; l’égoïsme du