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LE PEUPLE CHINOIS ET LA RÉFORME.

pétuellement pour ainsi dire « entre l’enclume et le marteau, » et c’est ce qui la laisse incapable d’une opposition systématique quelconque, en eût-elle des velléités.

Son antipathie pour l’Europe, dans l’état actuel des affaires, n’est malheureusement pas douteuse : des gens moins entichés n’aimeraient pas voir l’étranger les déranger chez eux, et c’est un travers qu’ils partagent avec d’autres mortels. Seulement, cette fois, l’Empereur a parlé, et, si l’opportunité des réformes est encore discutable dans leur esprit, on leur fait voir le spectre du danger national : l’ordre du jour est la réforme, et il faut obéir, car, dans un avenir prochain, les hommes au pouvoir ne seront plus que des hommes de progrès ; il faudra compter avec eux et se mettre à même de leur complaire autant qu’on l’a fait pour les intransigeans puissans qui s’effacent. La transaction, d’ailleurs, est à plusieurs points de vue acceptable pour tous. Cette noblesse de lettres conservera tous ses privilèges, car les hommes nouveaux continueront comme par le passé à se recruter dans ses rangs ; la période de transformation sera longue : il ne s’agit point d’écarter des affaires la génération actuelle des fonctionnaires pour faire place à d’autres, mais uniquement de préparer et d’accueillir dans ses rangs une génération naissante, aux attributions nouvelles, avec un programme nouveau. Ce sont les fils des présens titulaires qui recueilleront les avantages du nouvel état de choses et devant lesquels s’ouvrira une carrière rapide et certaine ; les premiers élus redoreront le blason familial dont on est si fier et, chez ces pères récalcitrans, l’infatuation du savant s’effacera devant le devoir sacré envers les ancêtres non moins que devant l’intérêt même. Il n’est pas question non plus, ce qui serait une tâche impossible, de contraindre à l’étude des sciences pratiques de vieilles gens qui ont moisi dans les cartons ; c’est à toute une jeune légion de travailleurs et d’ambitieux qu’on offre une manière d’arriver et d’arriver vite. D’où donc viendrait la rébellion ? qui songerait à s’opposer sérieusement à un programme qui ne demande à personne de sacrifice appréciable et qu’on représente à tous comme une nécessité nationale ?

N’oublions pas, en outre, ce que nous avons dit au début de cet article : il existe déjà dans la nation un noyau de réformateurs ardens qui ne demandent qu’à agir, et les hommes rassis, actuellement au pouvoir et qui appuient l’Empereur dans sa ré-