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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/698

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République : « La France, délivrée de la corruption de l’Empire, est entrée dans la période des vertus austères... »

Cette période est si calomniée que M. Bodley, lorsqu’il demandait aux paysans d’une région l’opinion qu’ils avaient de leur mandataire, obtenait habituellement cette réponse : « Sans doute, c’est une canaille comme les autres. » — Affligé de cet irrespect pour la représentation nationale, et très surpris de voir que la situation du député n’en était nullement ébranlée dans l’esprit du paysan, le voyageur vint se renseigner au Palais-Bourbon. Il fut soulagé : les paysans avaient exagéré. — Je ne le suivrai point « dans cette enceinte : » d’abord parce que toute cette partie, instructive pour le lecteur anglais, n’apprend au Français rien qu’il ne sache ; et aussi parce que des esprits prévenus me soupçonneraient de noircir la peinture, si j’en détachais quelques fragmens. Je les renvoie à l’original. Bien moins encore me hasarderai-je à commenter les jugemens de M. Bodley sur nos divers partis politiques, leur force respective, leur valeur, leurs chances d’avenir. Il déplore une fois de plus que la France ne possède point les deux grands partis symétriques, pivots du régime parlementaire en Angleterre, — où ils sont en train de se briser, — mais seulement des groupes épars. Il passe en revue ces groupes : royalistes, impérialistes, ralliés, centre gauche, opportunistes, radicaux, socialistes. À ces derniers seulement il accorde quelque vitalité. Dans les chapitres où il parle des autres, je n’aperçois que des nuances polies, respectueuses, entre l’absoute et les prières des agonisans. Il ne cache pas que ses sympathies allèrent toujours au centre gauche : par malheur, elles ne savent plus où rejoindre cette ombre aimable.

Remercions le voyageur anglais de nous avoir instruits et amusés ; mais rappelons-lui une dernière fois le péril des généralisations. Les siennes sont certainement abusives, lorsqu’il nous dit : « La troisième République a été aussi dépourvue d’Aspasies que d’hommes d’Etat de la force de Périclès, ou de républicains brillans comme Alcibiade. » — Je n’imaginais pas que nous fussions si pauvres en Aspasies ; et je m’étais laissé dire que nos « républicains brillans » en remontreraient à l’Athénien, soit pour renverser les statues des dieux, soit pour couper la queue de leur chien. M. Bodley cède ailleurs à une superstition excusable, quand il évoque les mânes des grands parlementaires pour écraser notre génération. Il oppose à la nullité du Parlement