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encore en l’appelant « le grand dégrèvement des villages, » sans doute au détriment des villes, qui ne renferment pas, hélas ! moins de misères. Toutefois, s’il le promet toujours, c’est qu’il n’a pas tenu ses promesses passées, et, pour peu que l’électeur réfléchisse, ce qui ne lui arrive pas toujours, mais lui arrive quelquefois, sa confiance en sera certainement diminuée.

Sur un point seulement, la Déclaration présente quelque intérêt. Les radicaux et les radicaux-socialistes réunis en Congrès national se déclarent partisans passionnés de la propriété individuelle, dont ils ne veulent, disent-ils, ni commencer ni préparer la suppression. Ils affirment le droit inviolable de la personne humaine sur le fruit de son travail. Ils sont impitoyables aux monopoles, et même à toutes les réunions de capitaux qui, sans avoir eu besoin d’un privilège, sont arrivées à un chiffre dont la grandeur les offusque ; mais la propriété reste sacrée à leurs yeux, et elle doit tendre de plus en plus à assurer à l’ouvrier d’abord son outil, puis la légitime rémunération de ses peines. Ce sont là de bonnes paroles : il était piquant de savoir comment elles seraient accueillies par les collectivistes. Elles l’ont été avec un sourire de supériorité et d’indulgence. M. Jaurès, dans son journal, a expliqué que les radicaux et les socialistes retardataires ne pouvaient pas se débarrasser d’un seul coup des langes du passé, mais qu’ils en viendraient bientôt là, et qu’après avoir accepté certains principes dont ils n’aperçoivent pas encore toutes les conséquences, la logique de leur esprit, ou, à son défaut, celle qui réside dans les choses mêmes, les y conduirait inévitablement. Qu’importe qu’ils ne veuillent pas préparer la suppression de la propriété individuelle, s’ils la préparent en fait et sans le savoir ? Nous avons déjà dit, en parlant d’un autre cas à peu près analogue, que les intentions n’étaient rien, et qu’elles influaient beaucoup moins qu’on ne l’imagine sur l’évolution matérielle et morale d’une époque où tout, même les esprits, marche avec la rapidité de la vapeur et de l’électricité. Les collectivistes ne manifestent aucune mauvaise humeur en présence de l’affirmation d’un principe qui est l’opposé du leur. Il ne s’agit pour le moment que d’une alliance électorale à conclure : pour le reste, on verra plus tard. Les radicaux veulent-ils l’alliance ? Oui certes : ils l’ont tous répété avec la même énergie, depuis M. Brisson jusqu’à M. Bourgeois, depuis M. Goblet jusqu’à M. Pellelan. Ce dernier l’avait même écrit d’avance, dans des articles assez menaçans pour les radicaux attardés et timides, qui ne sauraient pas comprendre les nécessités du présent. Eh bien ! ont déclaré les collectivistes, cela nous