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suffit ; voici notre main, mettez-y la vôtre : quand elle y sera, nous saurons la retenir ; et si vous voulez la retirer, nous saurons vous briser. Il n’y a pas d’autre programme électoral pour les partis avancés : tout le reste n’est que de la phraséologie. Et si par hasard un peu trop de franchise faisait naître certaines dissidences, on se remettrait à parler de la Congrégation, et aussitôt on serait d’accord. Seulement nous ne sommes pas bien sûrs que cela suffise au suffrage universel. A vrai dire, il se passionne peu pour ou contre les jésuites ; ce sont là des querelles de lettrés qui ont lu l’histoire, de juristes et de bourgeois. Les congrégations, celles que l’ouvrier ou le paysan voit de près et qui se mêlent à sa vie, ne lui font aucun mal, au contraire. C’est une illusion de croire qu’on agitera profondément et longtemps le pays avec cette question. Il faudrait autre chose : plus nous lisons la Déclaration du congrès radical, plus il nous semble que cette autre chose y fait défaut. Le Congrès radical a été une déception pour tout le monde. Les uns en attendaient mieux, les autres en attendaient pis ; mais il n’a abouti à rien.


La Haute-Cour s’est montrée sévère pour M. de Lur-Saluces : elle l’a condamné à cinq ans de bannissement comme coupable de complot contre la République. Faut-il répéter ce que nous avons déjà eu l’occasion de dire, à savoir que la Haute-Cour, juridiction exceptionnelle dont la compétence est étroitement limitée, n’en a pas en matière de complot ? Mais elle en a décidé autrement, et l’avocat de M. de Lur-Saluces a renoncé à élever sur ce point une contestation qu’il savait d’avance être inutile. Quant à l’accusé lui-même, il faut bien reconnaître qu’il a fait ce qui dépendait de lui pour se faire condamner. S’il s’était contenté de professer sa foi royaliste, on se serait sans doute incliné devant sa sincérité. Tout le monde a d’ailleurs le droit d’être royaliste, mais on n’a pas celui de renverser par force ou par surprise le gouvernement établi ou d’essayer de le faire, et c’est ce dont M. de Lur-Saluces s’est glorifié. On a pu croire aussi par le choix de ses témoins, et bien qu’il ait renoncé ensuite à les faire entendre, qu’il avait eu l’intention de remettre en cause un des épisodes les plus aigus de l’affaire Dreyfus. Tout cela a indisposé ses juges, et leur a fait perdre le sang-froid qu’ils auraient dû conserver. Les faits reprochés à M. de Lur-Saluces sont déjà anciens ; le souvenir s’en est fort atténué ; la République est bien sauvée. L’occasion aurait été bonne pour se montrer indulgent.

Mais que M. de Lur-Saluces ait été condamné ou acquitté, cela n’a