Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/955

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indispensables à la vie ? Aura-t-il préparé à l’industrie un avenir meilleur en risquant de lui fermer un certain nombre de débouchés ? Aura-t-il rassuré les capitaux étrangers qui avaient montré une si grande confiance dans la fortune économique de l’Allemagne, mais que les derniers incidens ont un peu inquiétés ? A toutes ces questions, nous nous abstiendrons de faire une réponse, laissant aux faits eux-mêmes le soin de l’apporter. L’Allemagne revient aujourd’hui à la politique douanière du prince de Bismarck : ce n’est pas celle qui a fait le plus d’honneur au génie de l’illustre chancelier. On en a vu autrefois, on en reverra bientôt les conséquences.

Signalons, en terminant, une tendance, qui ne se manifeste pas seulement en Allemagne, et qui consiste à consacrer à des œuvres sociales le produit de l’augmentation des tarifs douaniers. M. de Bulow a déclaré, paraît-il, que les plus-values sur lesquelles il compte seraient employées à la fondation d’établissemens hospitaliers. On assure que M. le docteur Kuyper, qui vient de former un nouveau ministère en Hollande, et qui, au cours de la campagne électorale dont il est sorti victorieux, avait promis des droits protecteurs, a annoncé également que les plus-values qui en résulteraient seraient affectées à une caisse des retraites ouvrières. Il est impossible de mieux marquer que, si l’on augmente les tarifs, ce n’est pas dans un intérêt fiscal, ni même dans un intérêt exclusivement économique, mais dans un intérêt politique. On semble vouloir que les ressources qu’on se trouve amené à réaliser ainsi ne se confondent pas avec les autres. A certains égards, cette préoccupation est légitime. Le premier résultat d’une augmentation des droits est, nous venons de le dire, un renchérissement des objets nécessaires à la vie. Si ce renchérissement n’est pas très sensible sur les grosses bourses, il l’est beaucoup plus sur les petites. C’est l’ouvrier, presque toujours, c’est le paysan qui sont appelés à en souffrir davantage : le résultat direct est peut-être favorable à d’autres, mais non pas à eux. En ce qui concerne, par exemple, les droits que le gouvernement allemand propose d’établir, ce ne sont pas ceux qui travaillent la terre et la cultivent de leurs propres mains qui seront-appelés à en bénéficier. Ils devront, au contraire, payer plus cher le pain et la viande qu’ils mangent, à supposer qu’ils mangent de la viande, ce qui n’est pas toujours vrai. Dans le système protectionniste, ce qu’on donne aux uns, on le prend aux autres. L’idée d’une restitution à ceux-ci se présente donc assez naturellement ; mais sous quelle forme l’appliquer ? Il n’est pas facile de trouver la meilleure, et le plus sûr serait encore de ne pas augmenter artificiellement le prix