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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/98

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La seconde fois que le Duc de Bourgogne fit parler de lui d’une façon avantageuse, ce fut à la fin de la campagne. Boufflers avait malheureusement perdu deux mois en marches, contremarches, campemens ou déeampemens inutiles, et, durant ces deux mois, la situation tourna peu à peu au détriment de l’armée française. Marlborough avait remplacé le comte d’Alhlone à la tête de l’armée anglo-hollandaise, et sa supériorité sur Boufflers se fit immédiatement sentir. Paralysé par le peu de bonne volonté du contingent hollandais, il ne put, comme cela était son habitude, prendre une offensive hardie. Evitant au contraire tout engagement décisif, il épuisa l’armée qui lui était opposée par des manœuvres habiles, prolongeant ainsi pour elle la difficulté de vivre sur un pays épuisé. Le service de l’intendance était défectueux, et il arrivait parfois que le pain et le fourrage manquaient au camp français.

En même temps, l’une des deux armées s’affaiblissait pendant que l’autre se fortifiait en nombre. Un important contingent que la prise de Kayserswerth, mal secourue par Tallart, avait rendu libre, venait grossir celle de Marlhorough. Au contraire, le Duc de Bourgogne recevait l’ordre de détacher douze bataillons et seize escadrons pour aller rejoindre en Alsace l’armée qui défendait Landau. Les Français se trouvaient inférieurs en nombre. Le Duc de Bourgogne prenait son parti de cet affaiblissement avec sa docilité coutumière, « regardant la volonté de Dieu dans celle du Roi[1]. » « Il me dit encore ce matin à la promenade, écrivait d’Artagnan à Chamillart, en visitant ses gardes, que, s’il étoit triste d’estre avec une armée inférieure, il en tireroit du profit pour mieux apprendre à faire la guerre que si elle estoit supérieure, par les précautions qu’il est obligé de prendre contre la supériorité des ennemis[2]. » Mais, malgré ces circonstances peu favorables, on n’admettait pas à Versailles que le rôle d’une armée commandée par l’héritier du trône pût se borner « à prendre des précautions contre la supériorité des ennemis, » ni surtout que Marlborough fût laissé libre, comme il semblait eu annoncer l’intention, de commencer la guerre de sièges et de s’emparer de places importantes. « Il seroit bien désagréable pour Mgr le Duc de Bourgogne de le voir réussir sans y mettre

  1. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvillier, par M. le marquis de Vogüé, p. 136.
  2. Dépôt de la Guerre, 1555. D’Artagnan à Chamillart. 29 juillet 1702.