au flagrant délit d’absurdité, a dû opposer, dans les sentimens
humains, ce qu’il appelle le grand et le petit, ce que de tout
temps on a nommé le « bien entendu » et le « mal entendu. »
C’est grâce à cet artifice qu’il a pu, au-dessus du petit amour
pour les hommes, admettre le grand amour ; au-dessus de la
petite pitié vulgaire, la grande pitié ; au-dessus de la petite joie,
la grande joie, et ainsi de suite. Que n’a-t-il distingué de même
la petite morale vulgaire et la grande morale, au lieu de se poser
orgueilleusement en iconoclaste de toute moralité ? Il a
poursuivi de ses railleries, souvent justifiées, la petite science et les
petits savans, simples manœuvres ou maçons (qui, pourtant,
apportent leur pierre, quoiqu’ils ne soient pas architectes) ; mais
il n’ignorait pas qu’au-dessus de la petite science, il y a la
grande science, celle qui embrasse les horizons infinis, soit dans
l’espace, soit dans le temps, celle qui nous fait saisir non
seulement un certain nombre de « petits faits » ou de petites lois,
mais les grands traits et la figure vénérable du Cosmos. Il a de
même raillé la petite philosophie et élevé la grande
jusqu’au-delà des nues. Il est de ceux qui disent volontiers, avec Pascal,
que l’éloquence se moque de l’éloquence, que la philosophie se
moque de la philosophie. Pourquoi, encore un coup, n’a-t-il pas
dit en propres termes : — La morale se moque de la morale ;
entendez la grande et vraie morale, par opposition à la petite
et à la conventionnelle ! Au fond, Zarathoustra n’est pas plus
allé par delà le bien et le mal qu’il n’est allé par delà le vrai et
le faux, par delà la peine et la joie, par delà la pitié, par delà
l’amour. Un moralisme haut et, par malheur, hautain, subsiste
sous son apparent immoralisme.
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Alfred Fouillée.
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