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atterrie et transformée en lagune tour à tour inondée ou émergée suivant la hauteur de la mer. La digue de galets, qui marchait toujours vers le Nord-Est, avait fini par rejeter l’embouchure sur la rive droite, du côté où se trouve aujourd’hui la plage moderne de Mers. Vers la fin du XIe siècle, la remonte était impossible même aux bateaux du plus petit tonnage ; et, du Tréport à Eu, la rivière était un véritable cloaque. Henri, comte d’Eu, en détourna l’embouchure vers l’Est, l’éloignant de Mers pour la rejeter du côté du Tréport où on n’a cessé de la maintenir jusqu’à ce jour. Ce travail artificiel fut complété au siècle suivant par l’ouverture du canal d’Artois, qui reliait directement Le Tréport à Eu. Les deux petits ports en recueillirent tout de suite de sérieux avantages.

On creusa alors un premier avant-port, et on le protégea par une jetée en charpente assez rudimentaire. Mais les envasemens continuaient toujours ; et le port, qui ne put bientôt plus recevoir que des barques de pêche, n’aurait pas tardé à être complètement abandonné sans l’initiative intelligente et généreuse du duc de Penthièvre, qui, pour en finir avec les obstructions du galet et du sable, fit exécuter deux grandes jetées destinées à maintenir le chenal, et, en amont, une grande écluse de chaise. « Cette écluse, dit Lamblardie, a été construite à la demande et aux dépens de son Altesse Royale Monseigneur de Penthièvre. Ce prince, touché de la misère à laquelle la ruine du port du Tréport avait réduit les habitans, consacra 170 000 livres pour l’exécution de cet ouvrage, qu’il regardait avec raison comme le plus sûr moyen de rendre au port son ancien commerce et de procurer à la marine une augmentation de matelots[1]. » Les travaux, commencés en 1778, furent terminés en 1782. En peu de temps, près de 40 000 mètres cubes de galets amoncelés furent entraînés à la mer, et le Tréport revint à la vie.

Presque dans le voisinage du Havre, de Dieppe, de Boulogne et de Dunkerque, le Tréport ne peut être sans doute qu’un port assez modeste de deuxième et même de troisième ordre. Il n’arme pas, comme Fécamp, pour la grande pêche ; mais la pêche côtière y est particulièrement prospère. Près de 1 000 pêcheurs, montés sur 120 bateaux très bien outillés, entrent et sortent presque tous les jours de sa petite rade et lui donnent une très grande

  1. Lamblardie, Mémoires sur les celles de la Haute Normandie, 1789, op. cit.