Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

usuelle au milieu du XIXe siècle est fort précieuse. Il est regrettable que l’Académie ait cru devoir n’indiquer la prononciation que très exceptionnellement : il aurait été du plus haut intérêt d’en suivre les variations dans les éditions successives de son Dictionnaire.

La plus importante des innovations introduites par Littré[1] dans la lexicographie française, celle qui, entre toutes, assure à son œuvre une valeur durable, ce sont les exemples. Il les divise, d’après son plan, en deux séries, l’une dans l’article même consacré à chaque mot, comprenant les exemples proprement dits, empruntés aux écrivains du XVIIe siècle et des siècles suivans et rangés, quand il y a lieu, sous chaque acception particulière du mot, l’autre reléguée à la suite de l’article, sous la rubrique « Historique, » et où les citations sont rangées, non dans l’ordre des sens, mais dans un ordre approximativement chronologique. Cette différence de traitement, si elle a été commode à l’auteur, n’est ni logique ni pratique. L’histoire de l’évolution des sens, à laquelle Littré attache avec raison une grande importance, serait beaucoup plus claire et plus facile à suivre si elle était présentée dans son ensemble depuis les plus anciens documens jusqu’aux plus modernes. En outre les sens, souvent très différens des sens actuels, que les mots ont eus anciennement et n’ont pas conservés ne reçoivent aucune explication. Littré a parfois, il est vrai, corrigé en partie ce double inconvénient dans le paragraphe consacré à l’étymologie ; il subsiste toutefois, et il devient très sensible si on compare le plan adopté ici à celui qui a été suivi dans les deux autres grandes œuvres lexicographiques de notre temps, le Dictionnaire allemand de Grimm et le Dictionnaire anglais de M. Murray. Là aussi on a limité la liste des mots à l’usage moderne, et on n’a admis l’ancienne langue que pour les mots conservés dans cet usage ; mais les exemples ont été, depuis les textes où ils se présentent pour la première fois jusqu’aux textes contemporains, rangés dans l’ordre des sens qu’ils ont successivement développés, et lorsque tel ou tel de ces sens s’est effacé, il n’en fait pas moins l’objet d’un paragraphe spécial. On a ainsi un tableau complet et bien ordonné, tandis qu’il faut, quand on se sert du Dictionnaire de Littré, se le refaire laborieusement soi-même, en combinant l’« Historique » avec les exemples du corps de l’article.

  1. Il est juste de signaler l’essai du modeste et laborieux Dochez, qui avait déjà donné beaucoup de citations anciennes et modernes, mais sans renvois.