L’univers obéit à ton vaste désir.
Si ton âme est farouche et pleine de rumeurs
Hautaines, tu verras dans le soleil qui meurt,
Parmi son sang qui coule et sa pourpre qui brûle,
Le bûcher toujours rouge où monte encor Hercule,
Lorsque tressaille en nous, en un songe enflammé,
La justice pour qui son bras fort fut armé.
C’est ainsi que dans tout, le feu, l’eau, l’arbre, l’air,
Le vent qui vient du mont ou qui va vers la mer,
Tu trouveras l’écho de ce qui fut divin,
Car l’argile à jamais garde le goût du vin ;
Et tu pourras, à ton oreille, entendre encore
La Sirène chanter et hennir le Centaure,
Et, quand tu marcheras, ivre du vieux mystère
Dont s’est paré jadis le passé de la terre,
Regarde devant toi ce qui reste de lui
Dans la clarté de l’aube et l’ombre de la nuit,
Et sache que tu peux, au gré de ton délire,
Faire du bouc barbu renaître le Satyre,
Que ce cheval, là-bas, qui peine sous le joug
Au dur sillon, si tu le veux, peut, tout à coup,
Frappant d’un sabot d’or la motte qu’il écrase,
Aérien, ailé, vivant, être Pégase :
Car tu es homme et l’homme a gardé dans ses yeux
Le pouvoir éternel de refaire des dieux.
HENRI DE REGNIER.
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