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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/544

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qui elle reconnaissait le droit d’être vigilant et qui, soustrait aux fantaisies parlementaires, remplissait calmement son devoir de mettre la France en sûreté ; elle avait une alliance ; et cette alliance, voulue et presque imposée par le pays, n’offrait rien de commun avec les architectures diplomatiques incessamment édifiées dans certains cerveaux républicains sous le nom d’union des races latines ou de fédération des démocraties.


VI

Pendant un quart de siècle, le vieil esprit républicain avait impatiemment dévoré son silence et supporté son effacement : l’abstention commençait à lui peser. Ses haines immobilisées, ses préjugés rentrés, ses rêves amputés de leurs ailes, se condensaient, grossissaient, faisaient nuage, sur l’horizon de la République. Un incident judiciaire survint, qui fit crever le nuage ; d’orageuses années s’ensuivirent ; les gauches, dont la politique pontificale avait déjà dérangé l’homogénéité, achevèrent de se disloquer : la qualité de « républicain » commença d’être mise à haut prix, fut contestée à certains représentans authentiques de l’aristocratie républicaine, et jalousement monopolisée par les adversaires de la justice militaire et par les détracteurs du militarisme ; elle devint l’objet d’une sorte de surenchère, dont l’armée faisait les frais. L’histoire de ces événemens est présente à toutes les mémoires, aussi bien à l’étranger qu’en France ; car le vieil esprit républicain, cette fois encore, chercha les sourires de l’étranger, et souvent aurait pu être gêné par la fixité complaisante de ces sourires… Nous ne nous attarderons point au douloureux récit de cette crise : seuls les résultats nous en importent.

L’armée, vingt-cinq ans durant, avait reçu l’hommage d’un respect presque absolu, quelquefois même de certaines coquetteries ; et tout au plus, de temps à autre, quelques articles de la presse radicale sur le haut commandement maritime marquaient-ils la sourde persistance de l’antipathie contre l’uniforme : l’armée de terre demeurait intangible. Aujourd’hui, les spectres accouplés du militarisme et du cléricalisme, mis en scène par quelque machiniste des partis avancés, suffisent pour affoler nos assemblées politiques ; et sous le coup de ces hallucinations, tous ceux, — et ils sont nombreux, — auxquels la peur tient lieu