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d’opinion, esquissent vers l’extrême gauche un geste décisif de détresse et d’abdication, et châtient par leur froideur ou même par leurs murmures les derniers avocats de l’armée, suspects de tiédeur républicaine. Les départemens de l’Est, que Tenot, en 1889, saluait comme la bastille de la République, et qui aimaient en effet, dans la République, l’héritière de Gambetta, ont cessé de comprendre cette façon nouvelle, ou trop ancienne, d’être républicain ; et ce même souci de la défense nationale, qui avait conquis au régime républicain ces « Marches de la patrie, » les aliène à la « défense républicaine. »

L’école primaire, devenue depuis plusieurs années la servante de la politique radicale, semble avoir oublié qu’il y a vingt ans, les Paul Bert et les Gambetta la considéraient comme une glorieuse antichambre de la caserne. Une nouvelle génération d’instituteurs s’est levée : le Volume, revue pédagogique hebdomadaire que dirige M. Jules Payot, leur sert d’organe. On publie dans le Volume, en la proclamant « admirable, » une lettre d’un instituteur, qui semble un nouvel appel au renversement de la colonne Vendôme : il se déclare « décidé plus que jamais, éducateur du peuple, à arracher le fauve couronné du piédestal où il a été trop élevé ; » il rêve d’un « monument aux victimes de Napoléon… » Admettrait-il, le pauvre pédagogue si gracieusement vanté par M. Jules Payot, que les petits-fils des victimes d’Iéna lui apportassent leurs souscriptions ? J’aime à croire qu’il n’a pas prévu la question. Il dénonce ensuite les livres où l’on sent « la rage contre l’admirable Wellington, » et se plaint, en terminant, que « les trois quarts des instituteurs français aient reçu et donnent encore, inconsciemment, une éducation à demi barbare. » A côté de l’instituteur, qui parle au nom d’ « une phalange d’esprits libres, » voici survenir, dans les mêmes colonnes, un inspecteur général de l’enseignement primaire, qui recommande aux maîtres d’école les travaux de M. Gaston Moch sur le désarmement et les milices, et qui se plaint qu’on dépense 900 millions pour la défense des côtes, alors que l’argent manque pour les sanatoria. Du jour où notre personnel scolaire sera tout entier gagné par ces idées, c’en sera l’ait, à l’école primaire, de l’éducation patriotique ; la place sera nette pour les « intellectuels » anarchistes qui naguère expliquaient, dans la revue L’Humanité nouvelle, qu’on a tort de raconter à l’enfant, dans une nation vaincue, « les injures du