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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/820

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des sens fût rattachée au sens le plus ancien : or, souvent ce sens ne se trouve que dans la langue antérieure au XVIIe siècle. Il était dès lors nécessaire, après l’avoir indiqué dans le paragraphe étymologique, — qui précède chaque article au lieu de le suivre, — de le faire entrer dans le corps de l’article, et ici Darmesteter d’abord, puis son successeur, sont intervenus de la façon la plus heureuse.

Au travail propre qui lui était confié, — la rédaction de la partie historique du dictionnaire, — M. Thomas apportait une préparation qui, en certains points, complétait celle de Darmesteter. Il la devait d’abord à l’enseignement de l’Ecole des Chartes, puis à ses propres études, qui avaient porté sur les aspects les plus divers de l’histoire, de l’histoire littéraire et de la philologie médiévales. Il avait écrit un savant livre sur les États provinciaux sous Charles VII ; retracé, grâce à un curieux livre inédit de Francesco da Barberino, l’influence profonde exercée sur la culture italienne par la littérature provençale ; fait d’intéressantes découvertes au sujet de la singulière poésie épique, composée en français par des Italiens, au XIVe siècle, en Vénétie et dans les provinces voisines, qui prépara Pulci, Bojardo et Arioste ; recherché, en revanche, les origines italiennes de l’humanisme français ; donné une excellente édition du célèbre troubadour Bertran de Born. Les mots de la vieille langue lui étaient non seulement connus, mais familiers : il les comprenait dans toute la portée de leur application, dans toutes les nuances de leurs sens ; ils évoquaient pour lui le milieu dans lequel ils ont vécu, les idées et les sentimens à l’expression desquels ils ont servi. D’autre part, accoutumé aux méthodes de plus en plus sûres et pénétrantes de la philologie, et surtout de la phonétique historique, il était plus exigeant encore que ne l’avait été Darmesteter pour l’application sévère des lois qui régissent, depuis bientôt deux mille ans, l’évolution des phonèmes latins en Gaule. Il connaissait à fond le gallo-roman méridional, si nécessaire pour bien comprendre le gallo-roman septentrional : non seulement il s’était montré, pour l’étude de la langue et de la littérature des troubadours, le meilleur disciple de M. Paul Meyer ; mais, originaire de la Marche, il avait fait de son parler natal l’objet d’intéressantes recherches dialectologiques, qu’il avait étendues à toutes les variétés anciennes et nouvelles de la « langue d’oc. » Enfin, c’était un esprit souple et fin, très avisé et très alerte, à la