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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/854

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que la nourriture y introduit sans cesse à nouveau les matériaux de réparation nécessaires. Vous connaissez le mécanisme admirable qui fait vivre les plantes aux dépens des déchets de l’existence animale, tandis que celle-ci, à son tour, s’entretient par l’absorption des tissus végétaux. Cycle infini et véritablement providentiel, bien fait pour frapper vivement l’imagination. En indiquerai-je les phases caractéristiques ? La vie des animaux s’accompagne d’une combustion lente de leurs tissus par l’oxygène de l’air aspiré dans les poumons, et transporté sur les globules du sang jusqu’aux extrémités du corps. Les produits de cette combustion, vapeur d’eau et acide carbonique, sont exhalés dans l’air sous forme gazeuse et invisible par l’expiration des bronches. De la sorte, après des siècles de vie animale, l’atmosphère terrestre serait appauvrie d’une part en oxygène, surchargée de l’autre par l’acide carbonique impropre à la respiration, et sans doute à jamais incapable d’entretenir la combustion vitale, tandis que le carbone assimilable viendrait à manquer pour compenser par les voies digestives les pertes des tissus animaux. Nous péririons à la fois d’asphyxie et de faim. C’est dans cette situation que les plantes interviennent afin de rétablir l’équilibre compromis. Elles aspirent, par la matière colorante verte de leur feuillage (la chlorophylle), l’acide carbonique de l’air, en fixent le carbone, et rendent l’oxygène à la liberté ; elles décomposent de la même façon la vapeur d’eau en ses élémens. Et elles offrent ensuite aux animaux qui se nourrissent de leurs feuilles le carbone que ceux-ci avaient utilisé une première fois déjà dans leurs tissus, mais que ces bienfaisans intermédiaires leur rendent alors le service de mettre de nouveau à leur disposition. Ainsi, il est vrai de dire que les atomes de notre chair sont en perpétuelle circulation entre nous et les plantes, puis, par le canal de ces dernières, entre nous et les animaux nos voisins, car ceux-ci se nourrissent tous, en dernier ressort, de matière végétale, soit que, herbivores, ils l’absorbent directement, soit que, carnivores, ils l’assimilent par l’intermédiaire des bêtes herbivores qu’ils digèrent.

— Tout cela, dis-je, est inattaquable, tout au moins en l’état présent de la science. J’objecterai seulement qu’une semblable migration des âmes élémentaires, qui n’apparaît nullement comme personnelle et consciente, n’offre pas à l’imagination une perspective flatteuse ni consolante. Et je m’écrierais volontiers une