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L’HISTOIRE Á VERSAILLES

C’est une habitude louable, et qui s’enracine dans nos mœurs, d’envoyer les jeunes gens au dehors, en Angleterre, en Allemagne, afin qu’ils se familiarisent avec la langue, l’esprit, la vie intime des sociétés étrangères. Rien de plus sage en vérité. Mais, puisqu’ils sont après tout de jeunes Français, la connaissance de leurs origines ne leur est pas moins nécessaire ; et il ne serait pas moins expédient de les envoyer parfois séjourner dans le passé, si je puis dire ; en un lieu où l’ancienne société française soit constamment présente, parlante et sensible aux yeux, autant que peut l’être à Londres la société anglaise, à Berlin l’allemande. Ce lieu existe, et c’est Versailles.

Que savent-ils au sortir du collège, nos bacheliers, de l’histoire qui pèsera, en dépit de toutes les révolutions, sur leurs idées et sur leurs actes ? Que savent-ils même de la plus récente, celle des deux siècles, le XVIIe et le XVIIIe, qui ont modelé la figure de la France au sommet de la civilisation ? Gênée dans nos programmes encyclopédiques, cette histoire ne leur fut montrée que du dehors : ils n’ont vu d’elle que l’anatomie sommaire d’une morte ; où auraient-ils pris l’intelligence et l’amour de la maîtresse séduisante qu’elle peut être, lorsqu’elle se dresse dans sa vie prodigieuse, s’empare de notre imagination, s’insinue par tous nos sens jusqu’à l’âme qu’elle emplit d’enchantemens ou d’épouvantes ?

Un séjour de quelques semaines à Versailles donne ce contact direct avec la vie du passé. Rien ne peut le suppléer ; ni les cours du plus éloquent professeur, ni les longues recherches dans la poudre des bibliothèques et des archives ; pas plus qu’une étude abstraite de l’antiquité ne supplée un voyage en Grèce,