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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/207

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surpassant le cynisme des roués aux soupers de son père, malade chaque soir de ses « gueulées, » ivre de liqueurs fortes, « rendant partout ce qu’elle avait pris ; » effroyable amas de tous les vices, et qui alla s’enfonçant dans la plus basse crapule, jusqu’au jour où elle mourut, à vingt-quatre ans, pourrie au fond des moelles par sa débauche animale. — Digne annonciatrice de la salle de la Régence où nous entrons.

Un tableau qui aurait une grande valeur documentaire, si les physionomies des personnages y étaient plus fortement marquées, représente les membres du conseil de Régence. Cette toile propose une énigme aux historiens. Un prélat en robe rouge, bien en vue, siège à l’un des bouts de la table ; or, il n’y avait dans le conseil d’autre prélat que Cheverni, l’évêque de Troyes, qui n’eut jamais le chapeau ; et l’archevêque de Bordeaux, Besons, admis comme rapporteur, ne l’eut pas davantage. Je laisse aux curieux le soin d’éclaircir cette difficulté historique.

Le duc d’Orléans préside la séance, dans cet appartement où il remplace sa fille Berry. Avec lui, le travail des affaires d’Etat descendit, — et l’on peut prendre le mot dans tous ses sens, — du cabinet royal au cabinet du rez-de-chaussée. Ce fut dans la pièce contiguë que le Régent mourut subitement. Saint-Simon venait de le quitter ; le sac des rapports était prêt pour aller travailler chez le roi. Mme Falari, « aventurière fort jolie, » succéda à l’austère conseiller. — « Il causa près d’une heure avec elle, en attendant celle du roi. Comme elle était toute proche, assis près d’elle chacun dans un fauteuil, il se laissa tomber décote sur elle, et oncques depuis n’eut pas le moindre rayon de connaissance, pas la plus légère apparence. » — Epouvantée, la Falari courut dans la chambre voisine, et de là dans toutes ces pièces, appelant vainement du secours ; les serviteurs, persuadés que leur maître ! était monté chez le roi par les escaliers intérieurs, avaient tous disparu ; elle erra longtemps avant d’en trouver un. — Quand les rares visiteurs sont partis, dans ces cabinets solitaires où n’arrive d’autre bruit que le cri d’une orfraie du parc, le promeneur attardé croit parfois entendre les appels et la course de la jolie aventurière, cherchant à qui remettre le cadavre tombé si fâcheusement sur ses bras.

Voici les portraits officiels du petit roi, par Rigaud, par Ranc ; et les cérémonies solennelles où il apprend son dur métier, le lit de justice qu’il tient en 1715, les remontrances du