Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un citoyen de Priène aurait donc pu donner son adresse à peu près comme le fait un habitant de New-York, et désigner, par exemple, la quatrième rue de la troisième avenue. Mais peut-être avait-on adopté un usage analogue à celui qui prévalait à Thourioi. Dans cette dernière ville, les noms des rues qui suivaient la même direction avaient la même désinence. Etait-il question des rues Aphrodisias, Olympias, Dionysias ? On savait que toutes s’ouvraient dans le sens de la plus grande longueur de la ville. Parlait-on des rues Héroa, Thouria, Thourina ? Nul n’ignorait qu’il s’agissait de petites voies, coupant les premières perpendiculairement.

Si le même système était en vigueur à Priène, on y retrouvait son chemin plus facilement qu’à Athènes, où beaucoup de rues paraissent n’avoir pas eu de nom. Bien que les principales voies de communication fussent désignées soit par la mention des industries qu’on y exerçait, — rue des Potiers ou des Hermoglyphes, — soit par une allusion aux monumens qui s’y trouvaient, — rue des Trépieds ou des Hermès, — il fallait souvent user de circonlocutions pour indiquer son domicile. L’un demeurait « près du puits de la maison de Chabrias ; » l’autre « dans la rue qui conduit à la porte du Pirée, près de l’hérôon de Chalkodon. » Il y avait donc à Priène, comme dans les grandes villes ioniennes, des nouveautés qui pouvaient surprendre un Grec venu d’Athènes. Toutefois, à ces cités modernes aux rues si bien tracées, l’Athénien préférait sans doute le pittoresque désordre qui lui était familier, et où revivait un long passé de souvenirs. Les rues étaient tortueuses, mais elles avoisinaient des monumens exquis. Telle ruelle était si étroite que Socrate, y rencontrant Xénophon, pouvait lui barrer le chemin avec son bâton ; mais elle conduisait à l’Acropole de Périclès et de Phidias.


II

La porte principale, celle par laquelle on entre pour procéder à une visite méthodique des fouilles, est la porte de l’Ouest. Elle donne accès à une grande et belle rue, pavée de larges dalles. C’est là un luxe qu’ignoraient les anciennes villes grecques, où les chaussées paraissent avoir été assez mal entretenues, témoin un décret rendu sur la proposition de l’orateur Démade, qui enjoint aux agoranomes du Pirée de nettoyer les